Les Impromptus
Sixième édition du Festival des Arts du [...]
Constance Dedieu-Grasset invente une parabole hivernale et ferroviaire sur les travers de ses contemporains, et imagine la révélation de l’amour du prochain sur le chemin de Saint-Lazare.
Un 15 décembre, au petit matin, dans une gare de banlieue, sur une des lignes dont le terminus est la gare Saint-Lazare, sept voyageurs se pressent dans la salle des pas perdus, en attente du seul train annoncé qui leur permettra d’aller à leurs affaires. Egoïstes comme on l’est toujours dans l’aube hivernale, bougons et renfrognés comme on l’est souvent dans les transports en commun, ils incarnent les figures typiques de la modernité : le jeune cadre dynamique à l’oreille vissée au téléphone, le jardinier écolo-bio qui veut transformer Paris en potager, une mère de famille accrochée à sa poussette comme à un déambulateur, une grand-mère adepte du syncrétisme délirant de la spiritualité contemporaine, un dramaturge taraudé par le désir de publier, une nounou « afrognate » (auvergnate plus qu’africaine), excédée par les catégories du racisme ordinaire, une urgentiste « étymologue », qui émaille son discours de gongorismes archéologiques. Au milieu de toute cette réunion improbable, un clochard céleste, qui a déjà renoncé à ce à quoi les autres s’accrochent désespérément : le masque de leur rôle social.
Des petits riens pour un grand tout
Petit à petit, les cuirasses se fissurent et le dialogue s’installe, jusqu’à bientôt constituer une communauté. Chacun raconte son besoin de consolation, qui se rassasie du récit de soi. Petites fêlures et grandes tristesses, perte de ce qui a pu faire sens ou permettrait d’avancer d’un pas plus léger, les âmes se livrent, d’abord dans la caricature des stéréotypes, puis dans une naïveté qui force l’écoute, tant sa sincérité est touchante, enfin, dans une sympathique joie retrouvée d’avoir compris que l’on est toujours le même que l’autre, surtout quand il est différent. L’écriture de Constance Dedieu-Grasset fait mouche, à force d’authentique véracité, malgré le caractère improbable de cette rencontre inattendue ; et la mise en scène de Gwenaëlle Mendonça réserve d’assez jolies surprises, notamment dans les scènes chantées en chœur sur fond de voie ferrée. L’ensemble compose un spectacle tendre et drôle, servi par des comédiens talentueux, qui incarnent leurs personnages avec une conviction et une sensibilité touchantes.
Catherine Robert
Du 23 mars au 7 mai 2014. Du dimanche au mercredi à 21h. Tél. : 01 42 33 42 03. Durée : 1h10.
Sixième édition du Festival des Arts du [...]