La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Au pied du mur sans porte

Au pied du mur sans porte - Critique sortie Théâtre
Crédit : Hélène Bozzi Légende : « Un intérieur de vie Au pied du mur sans porte ».

Publié le 10 janvier 2011 - N° 184

Lazare élit domicile Au pied du mur sans porte. Exclusion, différence et humanité près de chez soi, en dépit de tout.

Accompagné des comédiens Anne Baudoux, Julien Lacroix, Mourad Musset, Claire-Monique Scherer, Claude Merlin et Yohann Pisiou, l’auteur et metteur en scène Lazare s’est engagé sur les chemins inconfortables de la pauvreté économique et de la misère morale des marges de la société. Mais grâce à une énergie tenace, le concepteur imagine une sorte de spectacle total avec sur la scène non seulement des interprètes singuliers mais des musiciens, des objets inventés et des univers aussi hétéroclites et quotidiens qu’une salle de classe, un intérieur de cuisine, une rue, une cave. C’est une façon de dénoncer les phénomènes sociaux d’exclusion et de marginalisation des groupes dits « à risques », en mettant en relief ces personnes « sensibles » vivant dans des lieux de relégation comme les cités de banlieue et leurs quartiers. Les scènes se multiplient en mille éclats et en un jeu de kaléidoscope infini avec le suivi attentif du personnage principal qui grandit, auprès de sa mère, puis de ses amis plus ou moins fréquentables et de ses employeurs sans état d’âme. Le garçon entame même un dialogue avec un frère jumeau jamais né.
 
Une forme à la fois « brut de décoffrage » et poétique
 
Sans complaisance, et à travers une forme à la fois « brut de décoffrage » et poétique, surgissent d’emblée sur le plateau le jeune « héros », et sa mère plutôt loquace et inquiète. D’une façon générale, ça parle beaucoup autour de l’enfant, de l’ado et du jeune adulte. La langue maternelle est savoureuse et créative à partir d’une « différence » sensible à peine perceptible : le fils est« tourdit » et souffrirait «d’un retard d’école », ce qui fait qu’ « il n’arrive pas à suivre la classe de 20, il va changer d’école, ça fera la classe de 10… Comme ça il peut trapper les cours… » Mais, comme le dit La Misère du monde de Bourdieu, l’École exclut et garde en son sein ceux qu’elle exclut, en les reléguant dans des filières plus ou moins dévalorisées. Comment vivent ceux que la société n’intègre pas, les travailleurs inadaptés, les handicapés, les étrangers, les « différents » ? Les portes ne s’ouvrent que rarement et les murs restent aveugles. Il ne sert à rien d’user de violence, de cogner, de taper, de donner des coups et d’attendre que la caverne d’Ali Baba s’ouvre. C’est de cette interrogation sèche que procède le spectacle judicieux de laboratoire et de recherche auquel nous convie Lazare. Observer la vie qui va, méditer sans pitié et sans amertume ni fiel ni désarroi. Avec confiance. Une esthétique talentueuse d’approche du monde.
 
Véronique Hotte


Au pied du mur sans porte, de Lazare ; mise en scène de l’auteur. Du 6 au 22 janvier 2011. Du lundi au samedi 20h30, dimanche 17h, relâche mercredi. L’Échangeur 59, avenue du Général de Gaulle 93170 Bagnolet. Réservations : 01 43 62 71 20 Texte édité par Les Voix navigables.

A propos de l'événement


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