La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Au nom du père et du fils et de J.M. Weston

Au nom du père et du fils et de J.M. Weston - Critique sortie Théâtre Paris Le Tarmac
Le TARMAC / texte et mes Julien Mabiala Bissila. Crédit photo : Andrea Magda

Le TARMAC / texte et mes Julien Mabiala Bissila

Publié le 22 novembre 2015 - N° 238

Julien Mabiala Bissila, jeune artiste congolais au talent protéiforme, est l’auteur d’un texte incongru, poétique et humoristique sur la guerre et les massacres. Il l’interprète avec une énergie jubilatoire en compagnie de Marcel Mankita et Criss Niangouna.

On peut, sur la guerre, faire pleurer Margot et plaindre « Giroflée, Girofla ». On peut aussi railler cyniquement les imbéciles qui répandent la mort, et résister par le sarcasme. On peut choisir la posture sentencieuse qui croit connaître les raisons de la prédilection pour le chaos ou l’affolement qui transforme en ennemis tous ceux qu’il soupçonne. Contre les amateurs de solutions faciles, Julien Mabiala Bissila choisit la figure et la posture du clown : un pas de côté, une parole qui refuse l’embrigadement idéologique, le choix de moquer la versatilité des hommes et l’absurdité de l’Histoire, au lieu de vouloir toujours donner du sens à ce qui n’en aura jamais, tuer, violer, massacrer, piller, détruire et humilier. Avec Criss Niangouna, son auguste, Julien Mabiala Bissila inaugure en clown blanc le spectacle qu’il a écrit et mis en scène, par un numéro de stand up un rien foireux : mauvaises blagues, comique de répétition, manipulation déceptive des attentes. Qui sont ces sapeurs insolents, adeptes du criard dans leur mise autant que dans leur verbe ? Qui sont ces zozos ambianceurs qui tergiversent au lieu de commencer ? Qui sont ces guignols qui mélangent, dès le titre, paire de chaussures et recherche des cadavres de leurs proches ?

Un théâtre de la vie contre la mort

Il faut attendre pour comprendre : dans l’entrelacs des cordes qui recouvrent le plateau, entre un néon de guingois et les amoncellements que l’on devine plus tard être des tombes, s’agitent deux orphelins qui n’ont plus que l’humour comme masque et la sape comme armure. Surgit Marcel Mankita – remarquable comédien qui prouve encore son immense talent avec ce spectacle – et l’horreur stupéfie en donnant sens au récit. Il se compose par bribes, comme le costume est fabriqué de pièces disparates. La poésie, qui distancie en même temps qu’elle intensifie son objet (on ne s’étonne pas que ce texte ait été lauréat des Journées de Lyon des auteurs de théâtre en 2011), son sens du burlesque, de la cocasserie et de la syntaxe créative, font merveille. Point de poncifs lacrymaux et moralisateurs dans la prose alerte, drôle et poignante de Julien Mabiala Bissila, mais la vie telle qu’en elle-même, avec ses contradictions et sa pudeur. Les trois comédiens, magnifiques de justesse, tiennent l’équilibre entre la sincérité et la virevolte hautaine d’une souffrance drapée dans l’élégance de la tenue. L’humour et la dérision sont les garde-fous de l’amertume et du désespoir, et le théâtre résiste à la mort en refusant de plier devant elle.

 

Catherine Robert

A propos de l'événement

Au nom du père et du fils et de J.M. Weston
du mardi 17 novembre 2015 au vendredi 4 décembre 2015
Le Tarmac
159 Avenue Gambetta, 75020 Paris, France

Le TARMAC, La scène internationale francophone, 159, avenue Gambetta, 75020 Paris. Du 17 novembre au 4 décembre 2015. Mardi, mercredi et vendredi à 20h ; jeudi, à 14h30 et 20h ; samedi à 16h. Tél. : 01 43 64 80 80.

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