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Théâtre - Entretien

Armel Roussel plonge, avec « Soleil », dans six nouvelles de Raymond Carver sur la bizarrerie quotidienne

Armel Roussel plonge, avec « Soleil », dans six nouvelles de Raymond Carver sur la bizarrerie quotidienne - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête
Pascal Gely - Armel Roussel

Théâtre de la Tempête / d’après Raymond Carver / mis en scène d’Armel Roussel

Publié le 20 mai 2025 - N° 333

Armel Roussel plonge dans l’univers de Raymond Carver en un spectacle en deux parcours, qui permet de découvrir six nouvelles à chaque représentation. Traversée festive avec l’espoir en fanal.

Pourquoi Carver ?

Armel Roussel : Je l’ai découvert en 1993 avec Short Cuts, de Robert Altman : il est, depuis, un de mes auteurs de chevet. À l’occasion des 30 ans de ma compagnie, je voulais faire un spectacle à la forme singulière et travailler sur une littérature non dramatique. Carver est alors réapparu, avec tout ce qu’il charrie du « dirty realism ». La forme courte, l’aspect très sombre de ses nouvelles, mais aussi ce qu’on y devine en creux, derrière cette Amérique de banlieue blanche hétérosexuelle des années 1970-80 (dont j’ai un peu gommé les traits saillants), me passionnent. J’y ai vu comme un terrain de jeu, propice aux transpositions (en Inde, en Estonie, au Japon, etc.), ces déplacements permettant de creuser une écriture qu’on dit quotidienne, afin de révéler combien ce qu’il décrit des rapports interhumains dans le couple, la famille, les groupes amicaux, est fondamentalement politique. De plus, ce quotidien confine au fantastique. Le réel s’y transforme en bizarre. Ce qui m’intéresse surtout, c’est la manière dont cette écriture appelle le jeu, dans un mélange de récit et d’incarnation. Je savais le trouble que les nouvelles me produisaient, mais pour en révéler la puissance, il fallait qu’elles deviennent habitées au plateau. 

 « Cette écriture appelle le jeu, dans un mélange de récit et d’incarnation. »

Pourquoi ce titre ?

R. : Soleil, cela peut paraître un peu ironique pour cet auteur plutôt lunaire ! Mais j’ai envisagé chaque nouvelle comme un endroit de transformation qui laisse espérer quelque chose de lumineux entre le début et la fin de l’histoire. Chez Carver, la fin est souvent sombre, ce que je ne voulais pas pour le spectacle. Soleil, c’est comme une injonction à nous-mêmes, praticiens du théâtre, aux personnages et au public. Ce titre combat la fatalité.

Comment le mettez-vous en scène ?

R. : En une forme éclatée en 13 parties : 12 parties autour d’un espace central, le bar, le lieu de réunion, où on joue au bingo, comme dans une des nouvelles de Carver. 12 groupes, composés de 22 comédiens et comédiennes, jouent en boucle pendant 22 minutes, en solo, duo ou quatuor, dans 12 espaces différents du théâtre, 12 décors, 12 créations musicales et sonores. Il est évident qu’on ne joue pas pareil la première et la sixième fois : il se passe quelque chose qui relève de l’épuisement et de la révélation au fur et à mesure de la répétition. Je ne voulais pas un festival de formes courtes, mais un voyage hors cadre dont chaque étape, création esthétique à part entière, soit la plongée dans un univers, comme un grand rêve, avec ce mélange que l’on trouve chez David Lynch, entre l’onirique et le concret.

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Soleil
du vendredi 6 juin 2025 au dimanche 22 juin 2025
Théâtre de la Tempête
route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris

Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Tél. : 01 43 28 36 36. Durée : 3h. Tournée : Théâtre du Nord, du 30 septembre au 4 octobre ; Théâtre Varia et Théâtre Les Tanneurs (Bruxelles) du 14 au 22 novembre

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