Une trop bruyante solitude
Avec Thierrry Gibault dans le rôle de Hanta, [...]
Pascal Rambert situe aux lendemains de la Commune le nouveau psychodrame qu’il met en scène. Sur fond de conflit politique, la scène de ménage se déploie dans une ambiance gothique et enfiévrée.
Selon une mise en scène qui rappelle Clôture de l’amour, Pascal Rambert installe Marie-Sophie Ferdane et Laurent Poitrenaux sur la diagonale de la folie amoureuse. Les deux personnages sont comme des aimants identiques : ils se repoussent à mesure qu’ils se rapprochent. Même si Annabelle aime Louis autant que Louis aime Annabelle, la force de leurs tempéraments les contraint au conflit permanent. Sous la pluie de la lande, entre les brocarts de la chambre et dans le brouillard du cimetière, alternent plaintes, reproches, hurlements et pleurs avec une intensité et une exacerbation aux limites du supportable. Ce couple-là est étrangement décalé par rapport aux mœurs de son époque, qui voulait que le mariage bourgeois soit fait d’arrangements économiques et d’humiliations silencieuses. Le texte de Pascal Rambert emprunte largement à des références que la mise en scène explicite : La Révolte, de Villiers de l’Isle-Adam, Annabel Lee de Poe, Pelléas et Mélisande, la folie tempétueuse des Brontë, celle de Rossetti déterrant son épouse défunte, le fantasme du voyage en Italie consolant les bourgeoises de la grisaille maritale. La pièce est une sorte d’exercice de style qui joue des manières et du maniéré de ses sources.
L’esthétique au secours de la dramaturgie
Pascal Rambert joue à l’envi des effets littéraires et stylistiques : listes thématiques, usage tronqué de la négation, comparaisons audacieuses et métaphores surprenantes émaillées de mots rares. L’unité poétique a tendance à en souffrir, d’autant que le caractère répétitif et obsessionnel de la scène de ménage peine à s’accommoder de ce déversoir sémantique. Marie-Sophie Ferdane et Laurent Poitrenaux interprètent leur partition avec force et conviction. La présence d’Ignace (l’enfant qui cristallise leur amour et leur haine), statique au milieu des émois, a tendance à polariser l’attention, et dilue assez inutilement la concentration sur la crise, dont les comédiens s’emparent pourtant avec une intense énergie. Ni le texte ni la mise en scène n’offrent les conditions d’une œuvre originale. Ils répètent les précédents déchirements de Clôture de l’amour et plagient assez lourdement Mallarmé, les Parnassiens et l’écriture exaltée des derniers Romantiques. La scénographie, en revanche, crée de magnifiques images. Daniel Jeanneteau compose un décor dans lequel les beaux costumes d’Anaïs Roman, les coiffures de Laure Talazac et les sublimes lumières d’Yves Godin font merveille. L’esthétique aboutie de ce spectacle sert de très bel écrin à une dramaturgie qui peine à dépasser ses emprunts.
Catherine Robert
En janvier : du mardi au samedi à 20h30 et le dimanche à 16h30 ; à partir du 31 janvier : mardi et jeudi à 19h30, mercredi, vendredi et samedi à 20h30, dimanche à 15h. Tél. : 01 41 32 26 26. Durée : 2h.
Avec Thierrry Gibault dans le rôle de Hanta, [...]