Antigone 82, Jean-Paul Wenzel a adapté avec Arlette Namiand Le Quatrième Mur de Sorj Chalandon
Jean-Paul Wenzel a adapté avec Arlette [...]
Le collectif Nar6, constitué autour d’Anne Barbot et Alexandre Delawarde, travaille autour de grands textes avec l’ambition de les rendre à leur portée contemporaine. Pari réussi avec cette adaptation en quatre épisodes.
Les romans de l’un des génies de la littérature russe, dont le dessein avoué était de percer ce mystère qu’est l’homme en le confrontant à la question du mal, se prêtent à l’adaptation théâtrale. Leurs personnages ont une envergure shakespearienne et se meuvent dans ces magnifiques et terribles zones grises, en lutte contre leur destinée. Il revient à la jeune metteuse en scène Anne Barbot d’en avoir décelé tout le potentiel en le libérant dans la forme choisie. En consacrant chacun des quatre épisodes qui composent sa pièce à un personnage phare – Natacha, amoureuse jusqu’à l’abandon d’elle-même du fils de celui qui orchestre la déchéance de son père ; Anna, la mère de Natacha qui assiste à la descente aux enfers de son mari et pleure la perte de sa fille ; Piotr Alexandrovitch, dit « Le Prince », qui, fatigué de vivre dans un monde d’hypocrites, se démasque, brutalement limpide, un soir, avec Ivan ( le poète narrateur) ; Aliocha, le fils du Prince, que l’idéalisation de sa rencontre avec de jeunes activistes en rupture avec les valeurs dans lesquelles il a été élevé conduit à la dépression jusqu’au meurtre du père – Anne Barbot éclaire l’œuvre en suivant un fil rouge. « Nous sommes dans un moment » dit-elle, « où toute la jeunesse est secouée de révolte contre une société qui lui paraît injuste, obsolète, inégalitaire, répressive, anti-fraternelle. Cette société à bout de souffle que dépeint Dostoïevski, c’est la nôtre ».
Des comédiens engagés
L’organisation bi-frontale marque la volonté de permettre au public de s’approprier ce qui se passe au centre, là où tout est, de façon cathartique et métaphorique, mis en partage. Le spectateur est au carrefour de ces destinées incarnées par des comédiens si engagés qu’ils parviennent à brouiller la distance entre le réel et la fiction. Benoit Dallongeville (Ivan), Philippe Risler (Le Prince), Anne Barbot (Natacha), Jérémy Torres (Aliocha), Aurélie Babled (Katia), Valentin Fruitier (Pierre, le révolutionnaire), l’ensemble des comédiens amateurs du Val-de-Marne et des élèves du Conservatoire Grand Orly Scène Bièvre facilitent l’appropriation du roman dans ses résonnances universelles. La scénographie minimaliste concourt à cette saisie actuelle du propos, qui fait écho aux interrogations de la fin du romantisme. A cette réussite, nous mettrions un bémol concernant la transition entre les épisodes. Force banderoles et hommes post-catastrophiquement costumés s’expriment comme dans une défiance vis-à-vis du spectateur. Tout ne pourrait-il pas être compris dans la beauté du geste initial ?
Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens
Le samedi 12 janvier à 18h et dimanche 13 janvier 2019 à 15h. Episodes 1, 2, 3, 4. Durée : 4h10 (dont 30 minutes d’entracte). Tél : 01 49 58 17 00
Spectacle (épisodes 3 et 4) vu à l’Ecam- Théâtre du Kremlin-Bicêtre.
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