La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Andreas

Andreas - Critique sortie Théâtre Aubervilliers Théâtre de la Commune
L’Inconnu (Thierry Raynaud) et la Dame (Nathalie Richard) reclus dans une chambre d’hôtel. Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage

Théâtre de la Commune / De Strindberg / mes Jonathan Châtel

Publié le 28 août 2015 - N° 235

Le metteur en scène Jonathan Châtel épure Le chemin de Damas de Strindberg jusqu’à le dévitaliser.

Il l’attendait. Assis sur un banc, quelque part dans une ville étrangère, perdu dans la solitude hantée d’une errance sans étoile. Écrivain célèbre et réprouvé, rongé par les tourments de la création et le sentiment de persécution, il a rompu les attaches de son existence d’avant, abandonné ses proches, ses biens et ses ambitions littéraires. Il est devenu L’Inconnu, exilé et prisonnier de lui-même, reclus dans la béance intime qu’a creusée sa chute. Il brûle d’une révolte infernale qui le dresse sans cesse contre la vie. « J’ai senti que tu m’appelais » dit « La Dame », qui le rejoint. Cette femme mal mariée, rencontrée la veille et sitôt séduite, peut-elle le sauver de la tentation du néant et l’aider à se réconcilier avec le monde, avec Dieu ? Comment échapper au conformisme social et au dogmatisme religieux ? Tous deux vont fuir pour vivre l’amour, échouer dans un hôtel minable puis devoir quémander l’aide des leurs, subir les pieuses remontrances de la belle-mère, traverser la maladie… L’Inconnu aura à parcourir ce long périple, assailli sans répit par ses démons, ses doutes, ses entêtements. Comme Saül, futur Saint Paul, l’éprouve sur le chemin de Damas, l’humiliation ouvre à la lumière…

Pure rhétorique

Strindberg compose Le Chemin de Damas en 1898 dans un puissant élan, au sortir d’une crise personnelle et artistique aigue qui l’a mené à l’hôpital Saint-Louis. Il revient alors à l’écriture dramatique qu’il a délaissée depuis cinq ans, dégoûté par les avanies du théâtre. Fasciné par l’alchimie, par les contes de fées et les fables, l’écrivain tisse ensemble le conscient et l’inconscient, le rêve et le réel, dessinant un espace psychique peuplé de prémonitions, de fantômes et de symboles. Dans son adaptation, Jonathan Châtel se concentre sur la première partie de la trilogie et s’attache à révéler les jeux de double entre les figures. Si l’intention séduit, le metteur en scène franco-norvégien, qui avait signé un remarquable Petit Eyolf d’Ibsen l’an passé, trébuche dans la réalisation. Il taillade le texte et opte pour une langue sèche, jusqu’à ôter toute la chair : il coupe dans les dialogues tout ce qui pose les situations, réduit à l’esquisse les personnages, enchaîne les stations du drame sans transition… Décharnée, la forme épique et métaphysique devient pièce abstraite et rhétorique. Dans le rôle de l’Inconnu, le jeu monochrome de Thierry Raynaud, qui semble prendre ses distances avec le propos, accentue encore l’impression. Du reste, les acteurs (Pauline Acquart, Pierre Baux, Nathalie Richard) paraissent (encore ?) jouer leur partition en solitaire. Quant à la scénographie, son esthétique épurée, lisse, semée de fragments d’architecture, elle ne parvient pas à vivre. On y perd l’essentiel : le cheminement et la métamorphose d’un homme blessé, le combat existentiel, l’audace de la composition, et l’âpreté de cette quête de vérité effrénée.

Gwénola David

A propos de l'événement

Andreas
du vendredi 25 septembre 2015 au jeudi 15 octobre 2015
Théâtre de la Commune
2 Rue Edouard Poisson, 93300 Aubervilliers, France

mardi et mercredi à 19h30, jeudi et vendredi à 20h30, samedi à 18h, dimanche à 16h, relâche lundi, horaire exceptionnel vendredi 2 octobre à 19h. Dans le cadre du Festival d’Automne. Tél. : 01 48 33 16 16. Spectacle vu au Festival d’Avignon 2015. Durée : 1h40.

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