Au départ, il y a le noir, et un dispositif scénographique panoptique qui emprunte aux théâtres anatomiques des facultés de médecine d’antan. Dans la pénombre, quelque chose naît parmi les étoiles, et ce Big Bang se trouve mis en regard de la déesse Vénus, dont une voix féminine nous rappelle le mythe. La science rencontre le fantasme patriarcal d’un idéal féminin : leur point de contact est bien la Vénus anatomique, femme de cire sculptée sans pudeur qui exhibe ses organes à l’université comme dans un freak show. C’est de là que part Boris Gibé pour interroger, dans le même geste, la position du voyeur, le regard de l’homme sur la femme, la réinvention d’un désir qui de charnel devient aussi spirituel.
Inventer poétiquement le sexe des anges
L’artiste accomplit le trajet inverse des Ailes du désir de Wim Wenders : partant d’un objet inerte, morbide, le souffle de la vie et l’éveil des sens accouchent d’un être nouveau, qui réussit à déjouer les déterminismes sociétaux et biologiques. La métamorphose est l’enjeu : de tableau en tableau l’être offert au regard prend sa liberté, s’incarne comme sujet. Boris Gibé utilise la magie, des marionnettes, un théâtre d’organes impudiques, un être chimérique mi-chair mi-cire, pour finir avec grâce sur une chorégraphie aérienne. On peut trouver à redire à la qualité des manipulations, et à quelques transitions qui auraient mérité plus de soin. Peut-être tous les éléments de cette proposition foisonnante ne sont-ils pas utiles. Mais on ne peut nier que les images créées sont belles et surprenantes, aidées par des éclairages habiles. Les moments les plus dépouillés, finalement, sont les plus sensibles. En empruntant des éléments déjà vus chez d’autres créateurs, Boris Gibé arrive à écrire son propre poème, à voir, entendre et ressentir.
Mathieu Dochtermann
À 22h. Relâche le 16 juillet. Spectacle vu au Théâtre de la Cité Internationale à Paris.
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