La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Alouette

Alouette - Critique sortie Théâtre
Photo : N. Mazéas Danièle Douet sait l’art de dire le sordide comme le grandiose.

Publié le 10 octobre 2008

Malgré une mise en scène un peu désuète et étirée, une jolie découverte. Sylvia Folgoas met en scène le roman Alouette de l’auteur hongrois Dezsö Kosztolanyi, interprété par Danièle Douet.

Dezsö Kosztolanyi (1885-1936) est un grand auteur de la littérature hongroise peu connu en France. On commence à découvrir grâce à la traduction ses romans et ses essais. Kosztolanyi est né à Subotica en Voïvodine, il quitte la province pour se frotter aux lumières de la ville de Budapest dans les premières décennies du siècle dernier. Écrivain singulier ouvert à la modernité de la psychanalyse, il introduit dans la littérature hongroise la voix du récit intérieur, croquant des portraits qui balisent un répertoire sarcastique de types humains. Les réunions amicales, les associations locales, les rues animées et les cafés dessinent les lieux de rencontres des habitudes plutôt citadines que rurales. C’est là qu’Alouette prend son envol, l’histoire pourrait symboliser la banalité d’une existence, mais sa mélancolie sombre est particulièrement âcre, comme auréolée à la fois d’amertume et d’ironie candide, lui confère une étrangeté insaisissable.

Le propos innocent dérape brutalement vers des allusions âpres

Au premier abord, le récit paraît presque bucolique quand il évoque l’héroïne assise sur un banc sous un châtaignier qui aime rester là, la tête penchée, poussant un profond soupir avant de se relever pour se diriger vers la charmille de vigne vierge. Le propos innocent dérape brutalement vers des allusions âpres et incongrues à la laideur de la rêveuse. Le père et la mère ne se font plus guère d’illusion quant au mariage souhaité de leur protégée : ils n’en saisissent pas moins l’occasion d’une invitation à la campagne pour que leur filleprenne place dans le train. À coup sûr, elle se livrera pendant son séjour « à sa pleine débauche de souffrance ». Mais peut-être trouvera-t-elle l’âme sœur ? Toujours est-il que durant la semaine d’absence de la presque vieille fille, les parents – surtout le père – vont s’abandonner aux plaisirs qu’ils s’interdisent d’ordinaire, restaurant, théâtre, alcool, tabac, jeu de cartes. Voilà un remède contre la douleur inhérente au fait d’être parent. Le public sourit gravement à l’évocation des différentes figures viriles esquissées, le sous-chef de gare, le jeune premier, l’homme de corpulence, le sous-préfet, le directeur de théâtre… Pendant ce temps, les journaux parlent de d’Affaire Dreyfus en France. Quoique un peu long et désuet dans son charme, le spectacle saisit sur le vif, entre rires et pincements au cœur et avec l’humour de Danièle Douet, la cruauté des petits arrangements humains.

Véronique Hotte`


Alouette
De Dezsö Kosztolanyi, traduction Maurice Regnault et Peter Adam, mise en scène Sylvia Folgoas, du 25 septembre au 25 octobre 2008, jeudi, vendredi, samedi à 20h45 au Théâtre Daniel Sorano 16 rue Charles Pathé Vincennes Tél : 01 43 74 73 74 www.espacesorano.com Texte publié aux Editions Viviane Hamy

A propos de l'événement


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