La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Alabama Song de Gilles Leroy, adaptation et mise en scène de Guillaume Barbot

Alabama Song de Gilles Leroy, adaptation et mise en scène de Guillaume Barbot - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête
© DR Alabama song

texte Gilles Leroy / Adaptation et mes Guillaume Barbot

Publié le 23 octobre 2020 - N° 288

Guillaume Barbot adapte pour la scène le roman Alabama Song de Gilles Leroy, dont l’héroïne est la romancière Zelda Fitzgerald, épouse du célèbre Francis Scott. Entre théâtre et concert, cette pièce pêche par sagesse, peu appropriée à son sujet.

Au centre d’un parquet circulaire, surélevé, un piano et une batterie disent d’emblée beaucoup de l’adaptation du roman Alabama Song de Gilles Leroy, prix Goncourt 2007, par Guillaume Barbot. Comme toutes les pièces de ce metteur en scène depuis la création de sa compagnie Coup de Poker, elle sera très musicale. Ce sont d’ailleurs les musiciens Louis Caratini, Thibault Perriard et Pierre-Marie Braye-Weppe qui ouvrent la pièce selon les rituels du concert. Ils se saluent, s’installent et entament le premier des nombreux morceaux de jazz qui, bien plus que des musiques d’accompagnement, forment l’une des deux trames du spectacle. La seconde étant le monologue de Zelda Sayre, porté par Lola Naymark qui ne tarde pas à rejoindre le plateau pour dire la rencontre entre son personnage et Francis Scott Fitzgerald. S’adressant tantôt au public, tantôt aux musiciens avec qui elle fait swinger le récit à la première personne, la comédienne dit en esquissant quelques pas de danse la liberté, les frasques sexuelles et les fêtes de la jeune Zelda, fille du juge de la cour de Montgomery. Souvent assez peu considérée par les biographes de l’auteur de Gatsby le Magnifique, elle est l’héroïne du spectacle comme du livre, très documenté mais largement fictionnel : pour pallier aux silences laissés par les archives et pour lui composer une parole singulière, Gilles Leroy a su faire œuvre d’imagination. Guillaume Barbot et son équipe font honneur à ce travail littéraire, sans toutefois prendre suffisamment de liberté avec elle.

Portrait d’une femme en jazz

La Zelda du spectacle ne s’autorise pas autant de distance avec celle du livre que celle-ci le fait avec la Zelda réelle. Si Lola Naymark porte avec énergie sa partition, elle le fait sans affirmer un langage personnel susceptible de questionner la part de fiction et de fragilité, d’incertitude que suscite le traitement d’une telle figure du passé. Au cœur d’Alabama Song, la question du rapport entre créateur et créature – Francis Scott Fitzgerald aurait volé à Zelda de nombreux textes –, entre réalité et fiction, en serait aussi sans doute apparue avec davantage de force. Dans son dossier de presse, Guillaume Barbot donne une information qui aurait pu être utilisée à cette fin : « Lola Naymark, ma femme dans la vie, jouera justement Zelda. Comme une mise en abîme. Une prise de parole à deux voix ». Or sur scène, rien n’indique ce rapport entre l’aventure théâtrale et le mythe littéraire. Alabama Song a beau dire la passion et la violence des rapports entre les deux amants, il lui manque les aspérités, les frictions nécessaires pour les faire ressentir. Musique et texte, dans la pièce, ne prennent pas exemple sur les deux amants, qui se déchirent jusqu’à la folie. Ils vont dans un même sens, plutôt séduisant mais sans troubles. Sans les débordements espérés.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Alabama Song de Gilles Leroy, adaptation et mise en scène de Guillaume Barbot
du vendredi 30 octobre 2020 au dimanche 22 novembre 2020
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, Route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris

- du mardi au vendredi à 18h , samedi et dimanche à 16h30

Tel : 01 43 23 36 36. Spectacle vu au Tangram, Scène nationale d'Evreux. Durée : 1h35

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