Samy Thiébault
Chef-d'œuvre de la Renaissance. Sorti [...]
Trois labels fidèles de la contrebassiste et compositrice Joëlle Léandre (Fou Records, Nato, RogueArt) retracent 40 ans de son parcours musical, au carrefour de la musique contemporaine (Cage, Jolas et Scelsi ont composé pour elle), des musiques improvisées et du free jazz. Une impressionnante série de parutions et un concert exceptionnel à l’Eglise Saint-Eustache en compagnie du violoniste américain Mat Maneri, de la chanteuse écossaise Maggie Nichols et de la tromboniste française Christiane Bopp, marquent l’événement.
1976-2016 : après 40 ans d’existence, vous vous posez un peu pour regarder le chemin parcouru…
Joëlle Léandre : Oui, ce chemin que j’ai pris, cette aventure constante et ce travail qu’il a fallu faire – immense selon moi ! – de décisions, de sélections et bien sûr de choix et de risques même ! J’ai tellement appris de la rencontre, d’aller vers l’autre, vers d’autres arts, d’autres langages, que ce soit le monde sonore, le monde de la danse, celui de la performance ou de la poésie, du théâtre aussi. J’ai grandi avec eux durant toutes ces années mais toujours dans ma contemporanéité, mon siècle, là, aujourd’hui… Et devant, oui, il y a ce chemin qui continue. Au fond, je suis une vraie nomade, une Gitane.
« J’ai tellement appris de la rencontre, d’aller vers l’autre, vers d’autres arts, d’autres langages… »
Tout a commencé en quelque sorte à NYC en 1976 lorsque vous êtes allée travailler avec Morton Feldman. Qu’avez-vous appris lors de cette période américaine ?
J. L. : New York oui… Mais plutôt Buffalo où Feldman enseignait. Cage aussi d’ailleurs, mais je l’avais déjà rencontré à Paris, et joué sa musique. Plus tard il me dédicacera Ryoanji pour Contrebasse et orchestre… Mais c’est vrai que rapidement je me suis beaucoup retrouvée à New York, downtown, au contact de tous les musiciens du free jazz afro-américain. Je suis une enfant du free jazz. A Paris aussi d’ailleurs, au Centre Américain, dans les années 1970, j’étais là et je les écoutais. Ils m’ont donné ce sens des responsabilités, cette jubilation de jouer leur musique, de l’inventer. Comme une cérémonie à la vie ! Je les remercie. Be you, Do it, Go it…
Comment avez-vous choisi le programme et les invités de ce concert exceptionnel à Paris ?
J. L. : Le programme a été choisi par les trois labels, les trois producteurs avec qui je travaille depuis plusieurs années. Ils m’ont fait la surprise ! Je serai entourée de musiciens avec lesquels j’ai enregistré, tout simplement.
Pourquoi jouer à l’Eglise Saint-Eustache ?
J. L. : J’ai beaucoup joué dans l’église de Sainte-Merri, une église que j’aime beaucoup, j’aime les sons dans ces lieux… Son curé qui partait à Saint-Eustache a accepté ce projet un peu spécial et je tiens à le remercier. Ces musiques créatives, improvisées ou composées d’ailleurs, sont censées rester toujours rugueuses et soi-disant complexes. Mais c’est faux. J’ai toujours pensé que le public était actif et curieux. Ces musiques, c’est de la vie, qui bouge, change, questionne, provoque, dérange même. J’aimerais que ce concert soit tout ça : cette aventure, ce chemin fragile et fort en même temps, humain quoi ! Ce que nous sommes…
Propos recueillis par Jean-Luc Caradec
à 20h30. Tél : 01 42 36 31 05.
Chef-d'œuvre de la Renaissance. Sorti [...]