Impromptu 1663 ou Molière et la querelle de l’Ecole des Femmes
Le pensionnaire de la Comédie-Française [...]
A travers l’écriture de Lars Noren et la mise en scène immersive de Lena Paugam, retour choc sur les bancs de l’école à la rencontre de Sébastian Bosse, jeune homme qui a attaqué et blessé 37 personnes dans son lycée en Allemagne le 20 novembre 2006.
« That’s it » : premiers mots du spectacle, les derniers laissés par Sebastian Bosse sur son journal intime. Le jeune homme qui s’est tué à l’issue de son attaque a produit de nombreux documents écrits et vidéo expliquant l’acte qu’il se préparait à commettre. Lars Noren a mêlé ses mots à ceux du garçon de 18 ans et Lena Paugam met en scène ce journal à moitié vrai et à moitié inventé dans un dispositif de proximité radical et prenant qui interdit de détourner le regard. Les spectateurs sont directement confrontés à celui qui leur explique pourquoi il va venir leur tirer dessus.
De l’ordinaire difficulté de vivre
Mathurin Voltz interprète avec rage et émotion le lycéen allemand, arpente les travées, interpelle, menace, fixe droit dans les yeux et assène ses vérités. « Si t’es heureux, c’est uniquement parce que tu laisses quelqu’un d’autre se crever le cul à ta place », « la vie qu’on vit chaque jour, c’est bien ce qu’il y a de plus pitoyable que le monde ait à nous proposer » … Le monologue déploie l’image d’un jeune homme aux confins de la folie en même temps qu’absolument ordinaire et sensé. Il questionne le sens d’une vie centrée sur le travail dans une société qui se voue tout entière à la consommation. Il accuse l’école et son incapacité à protéger les plus faibles face aux humiliations répétées. Il pointe du doigt une société qui norme, standardise et broie systématiquement la différence. De l’ordinaire difficulté de vivre à la folie meurtrière, la frontière parait infime. On en sort secoué, ébranlé. L’effet de réel est puissant. A tel point qu’on n’a pas vraiment envie d’applaudir ce spectacle pourtant tout à fait réussi.
Eric Demey
à 11h et à 15h. Tel. : 04 90 85 12 71.
Le pensionnaire de la Comédie-Française [...]