La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Entretien / Pierre Rigal

Même

Même - Critique sortie Danse Bourges Maison de la Culture de Bourges
Crédit : Pierre Grosbois Légende : Même, de Pierre Rigal, en répétition.

Maison de la Culture de Bourges / chor. Pierre Rigal

Publié le 24 août 2016 - N° 246

La répétition, passage obligé pour tous les danseurs ? Pierre Rigal en explore les ressorts, en modifiant ses propres processus de création.

Cette pièce est née d’un processus particulier. En quoi est-il différent de votre démarche habituelle ?

Pierre Rigal : Je voulais justement casser les processus de création habituels en travaillant sans objectif, ce que j’ai fait dans les premiers laboratoires : sans échéance, puisque je ne savais pas du tout quand j’allais créer la pièce, et sans sujet, sachant juste que je voulais mélanger le chant, la musique, la danse et le théâtre. Après un certain nombre de semaines de laboratoire, on a pu commencer les répétitions de manière un peu plus traditionnelle, puisque le sujet s’est défini, le titre de la pièce a été trouvé, chose qui n’a pas été facile car je suis passé par plusieurs étapes.

Comment est venue cette histoire de répétition ?

P. R. : Dans nos improvisations, la notion d’accident de voiture est apparue plusieurs fois, moi-même ayant subi un accident de voiture quand j’étais jeune. J’en ai fait l’analogie avec le mythe d’Œdipe, qui tue son père à travers un banal accident de char qui dégénère à cause d’une dispute. Travailler sur ce mythe est très complexe, très ambitieux ; j’ai voulu le simplifier, et plusieurs choses se sont révélées de manière empirique : la névrose, qui est du point de vue psychanalytique un comportement conscient ou inconscient que l’on répète sans cesse, d’où l’idée de répétition. Et la notion d’identité : on croit qu’une personne est telle personne, mais c’est faux, et la perception de la réalité pour Œdipe bascule complètement dans une sorte d’expérience ultime de la folie. Donc, dans nos petites improvisations théâtrales, il y a eu aussi l’idée qu’un personnage peut être incarné par différents acteurs ou que différents acteurs peuvent être le même personnage. Ces deux notions peuvent se développer dans tous les domaines : dans le domaine théâtral car une même scène théâtrale peut être reproduite plusieurs fois. Dans le champ musical évidemment avec la notion de boucle qui peut se reproduire, et aussi au niveau chorégraphique. Ce qui m’intéresse, c’est que la répétition ne peut pas être parfaite. C’est la dérive de répétition en répétition qui m’intéresse. Où est-ce qu’on va arriver, quand on part d’un point, qu’on essaye de répéter, et qu’on arrive à un autre point qui est différent ?

« C’est la dérive de répétition en répétition qui m’intéresse. »

Vous semez le doute, en fait ?

P. R. : C’est comme le téléphone arabe, on croit dire ce que l’on a entendu, mais au final le résultat est différent du point de départ. Le titre Même s’applique beaucoup à ce qui surgissait de nos laboratoires. Cela évoque la similitude, mais aussi la surenchère. Et je me suis rendu compte que ce mot avait une autre définition, si on l’écrit avec un accent grave. C’est l’idée qu’un comportement culturel se définit grâce à une répétition de comportements mimétiques. C’est le fait d’imiter les choses, de s’imiter les uns les autres qui aboutit à un phénomène social. Ce mot mème a été créé récemment en opposition au mot gène, qui définit de manière biologique les comportements, et il apporte une explication plus sociologique que biologique.

 

Propos recueillis par Nathalie Yokel

A propos de l'événement

Même
du mardi 4 octobre 2016 au vendredi 7 octobre 2016
Maison de la Culture de Bourges
34 Rue Henri Sellier, 18000 Bourges, France

Auditorium, à 20h. Tél. : 02 48 67 74 70.

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