La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -212-Comédie de l’Est

Entretien Guy Pierre Couleau

Entretien Guy Pierre Couleau - Critique sortie Théâtre Colmar La Comédie de l'Est
Guy Pierre Couleau © Cédric Baudu

Guitou / de Fabrice Melquiot / Désir sous les ormes / d’Eugene O’Neill / mes Guy Pierre Couleau

Publié le 25 août 2013 - N° 212

Alarme dans la joie

Le directeur de la Comédie de l’Est propose deux mises en scène pour cette nouvelle saison : Guitou, de Fabrice Melquiot, et Désir sous les ormes, d’Eugene O’Neill.

« Le théâtre est en miroir et en prémonition par rapport au monde. »

Quel bilan tirez-vous de la permanence artistique et du travail mené tous ensemble ?

Guy Pierre Couleau : Sans vouloir jouer sur les mots, il faut parler de permanence d’artistes plutôt que d’artistes permanents ! C’est un paradoxe délicat : les tutelles nous incitent à mettre en avant la permanence artistique au sein de nos maisons, mais nous déconseillent d’y créer des emplois artistiques permanents. Je fonctionne avec des artistes en contrats à durée déterminée, très présents et engagés à la fois dans la création et la pédagogie, et je consacre une partie de mon budget à leur salaire. Le bilan de la dernière saison est formidable. Puntila et Matti ont passé une année extraordinaire sur les routes, et le spectacle a constitué un événement très fort à Colmar, repris et continué en fin d’année avec le cabaret Brecht. La venue de l’IVT comme celle du Centre Dramatique de La Réunion ont aussi été des moments très forts. Et cela n’occulte pas tous les autres rendez-vous, où le théâtre s’est fait populaire, festif et joyeux, avec des moments de grâce et un sentiment extraordinaire de partage.

Quel est l’état du public ?

G. P. C. : On garde le bon cap ! La fréquentation reste la même, avec environ vingt mille spectateurs, le maintien des abonnements et un remplissage à 85% de nos salles. Nous avons réussi à lutter contre les effets de la crise. Le travail de relation avec les publics continue d’être très important. Et je dois rendre hommage au travail de toute notre équipe sur ce point. On sent que la période est difficile pour les gens, pourtant, il n’y a pas d’éloignement du public, qui n’a pas envie de solitude dans un moment dur, partout contraint et souvent violent. Le théâtre est un endroit de repère pour le public, qui se regarde dans le chaos métaphorisé du monde. Le théâtre est en miroir et en prémonition par rapport au monde.

Quelle est la couleur de votre prochaine saison ?

G. P. C. : L’année prochaine, nous passons la saison avec des femmes ! Dans la programmation, entre la petite fille de Guitou et l’héroïne de Désir sous les ormes, figurent Antigone, Agrippine, Bérénice, Anna Seghers, Mère Courage. Je ne sais pas ce que cela signifie, mais on va essayer d’y réfléchir, et de comprendre comment ces figures, douces ou extrêmes, montrent un chemin pour les années à venir.

Pourquoi Guitou ?

G. P. C. : C’est un coup de cœur, que j’ai adoré à la lecture. Quatre acteurs, un plateau quasi vide, une pièce où l’enfance est au cœur de l’écriture. Melquiot écrit sur ce que nous vivons dans nos parcours d’humains, où nous laissons le temps derrière nous. Et si on pouvait retrouver nos dix ans ? Guitou revient du passé pour retrouver l’écrivain Fabrice grâce à Armance, sa petite fille, qui a le pouvoir de convoquer les figures du passé. C’est une pièce très limpide et pourtant pas si simple, écrite avec une grande science du théâtre, avec épure et économie. C’est un vrai défi pour la mise en scène, puisqu’il faut jouer sur le temps qui passe, afin que les adultes délivrent leur âme d’enfant. Nous ouvrons donc la saison avec un spectacle lumineux et drôle, pour tout public, en créant ce texte qui n’a jamais été joué.

Et pourquoi O’Neill ?

G. P. C. : O’Neill, c’est un rêve ancien. Son univers, que j’adore, est très particulier. C’était un type épouvantable, qui a mis beaucoup de lui-même dans ses personnages. On le cantonne souvent à un théâtre réaliste, or ce contemporain de Claudel est très proche du symbolisme. Ici, c’est le mythe de Gaia qu’il évoque : le ciel se sépare de la terre pour laisser un espace aux hommes, et les hommes le saccagent. On assiste au combat entre la nature et la culture, et O’Neill affirme une évidence d’actualité : si nous sommes en rupture avec la nature et notre nature, nous irons droit dans le mur ! La catastrophe est là, et il faut en prendre conscience. J’avais envie de révéler cette parole au public, et je crois qu’il est important de tirer cette sonnette d’alarme avec nos moyens. Les poètes sont des guides pour l’humanité, et O’Neill est de ceux-là.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Guitou, Désir sous les ormes
du mardi 1 octobre 2013 au samedi 29 mars 2014
La Comédie de l'Est
6, route d’Ingersheim, 68027 Colmar

Guitou, du 1er au 18 octobre 2013. Désir sous les ormes, du 18 au 29 mars 2014. Comédie de l’Est. 6, route d’Ingersheim, 68027 Colmar. Tél : 03 89 24 31 78.  www.comedie-est.com
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