La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2016 - Entretien / blitztheatregroup

6 A. M. How to disappear completely

6 A. M. How to disappear completely - Critique sortie Avignon / 2016 Avignon Festival d’Avignon. Opéra Grand Avignon
© Panos Michail Blitztheatregroup : Angeliki Papoulia, Christos Passalis, et Yorgos Valais.

Opéra Grand Avignon / Conception et mes blitztheatregroup

Publié le 26 juin 2016 - N° 245

Mêlant poème romantique et conte de science-fiction, ce collectif grec imagine un périple pour s’extraire des impasses du présent,  en quête de nouvelles façons d’être au monde.

Quelles sont les sources de ce nouvel opus ?

Blitztheatregroup : Les deux sources principales de cette création sont un poème de Friedrich Hölderlin, Ménon pleurant Diotima, et un film d’Andrei Tarkovski, Stalker. Précieux guide tout au long du processus de création, le poème commence par la description du désespoir que ressent Ménon après la mort de sa bien-aimée Diotima, puis il se transforme en un voyage intérieur d’initiation et de rédemption. Par cette quête déchirante et douloureuse, et par son art poétique, Hölderlin parvient à s’extraire du monde et à rejoindre l’invisible, dans une sorte de pulsion d’enthousiasme. En résumé, la lamentation du début finit en triomphe. Et nous avons suivi exactement le même chemin. Le film aussi nous a infiniment inspirés. Il raconte l’histoire de trois personnes qui errent dans la Zone, un espace aux pouvoirs mystérieux, interdit, contaminé par la présence d’extra-terrestres, et où les lois de la physique n’ont plus cours. Cet espace est un organisme vivant, à la fois physique et métaphysique. Nous avons essayé de créer un espace similaire sur la scène, un espace comme un protagoniste qui agit et réagit aux actions des personnages.

Qui sont les personnages ?

Blitztheatregroup : Les personnages de la pièce utilisent le poème dans une dimension magique, comme si, suite à la fin du monde,  l’unique chose qui restait des miracles de l’esprit humain, c’était ces mots, qui seuls pouvaient les aider à communiquer avec l’inconnu et à survivre dans un univers hostile et violent. Les personnages sont comme des pionniers, des explorateurs. Ils construisent des maisons et des pièces, organisent des rituels étranges, essaient de se protéger et de comprendre les règles de ce nouveau pays. Leur seul pouvoir est leur volonté et leur persévérance, leur besoin de s’extraire de ce monde pour en inventer un nouveau, leur besoin d’accueillir les lueurs de l’aube. D’une certaine manière, il s’agit là de l’éternelle quête pour comprendre les forces invisibles du monde. Comme  une tentative pour se sortir des impasses que recèle chaque époque, pour remplacer le présent par une nouvelle façon d’être. Nous pensons qu’à notre époque, la poésie, ou plutôt une manière poétique de penser peut être un acte de résistance contre la peur, qui chaque jour est distillée par les autorités, les médias, et nos concitoyens. Pour nous, aujourd’hui, c’est un besoin essentiel.

« Une manière poétique de penser peut être un acte de résistance contre la peur. »

Votre théâtre explore à la fois un passé perdu et un futur possible. Comment abordez-vous cette tension ?

Blitztheatregroup : Dans nos vies, le temps est une notion que nous considérons comme acquise, comme une ligne sur laquelle se déroulent les événements. L’art et la science savent bien que le temps est quelque chose de beaucoup plus complexe,  voire d’inexpliqué ! Le temps est la chose la plus importante au théâtre.  Dans nos pièces, nous essayons de nous confronter à cette énigme du temps qui fait que le passé et le futur sont tous deux présents, dans le temps présent même. Dans cette pièce la tension entre passé, présent et futur existe à travers notre utilisation d’éléments de temporalités différentes, et même contradictoires. Les vers romantiques du XIXème siècle se mêlent à un conte étrange de science-fiction. Notre scénographie est un site en construction, où s’insèrent le poème d’amour et notre propre quête pour raconter une histoire pouvant saisir la complexité et la douleur de nos vies.

En tant qu’artistes, quel est votre regard sur notre monde en crise ?

Blitztheatregroup : Parfois nous perdons courage à propos de notre monde, parfois non. Le vieux monde a échoué et le nouveau n’est pas en marche : nous avons l’impression de vivre dans une salle d’attente de l’Histoire ! L’état de la Grèce, de l’Europe et du monde n’offre que peu de prise à l’optimisme, mais nous pensons cependant que le besoin de nouvelle idées et de nouvelles façons d’être est plus urgent que jamais. Dans cet opus, nous tentons  de nier la notion de fin du monde, de faire émerger une forme d’espoir. Le rôle de l’art est d’interrompre ce qui se nomme le réel, d’opposer aux discours qui nous enserrent de nouvelles histoires, et de nouvelles manières de les raconter. Pour poser question et, peut-être, réenchanter le monde…

 

Propos recueillis et traduits par Agnès Santi

A propos de l'événement

6 A. M. How to disappear completely
du jeudi 7 juillet 2016 au samedi 9 juillet 2016
Festival d’Avignon. Opéra Grand Avignon
1 Rue Racine, 84000 Avignon, France

à 18h. Tél : 04 90 14 14 14. Durée : 1h30. En grec surtitre en français et en anglais.

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