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XAVIER LEMETTRE : 30 ANS DE VIE EN BLEU

XAVIER LEMETTRE : 30 ANS DE VIE EN BLEU - Critique sortie Jazz / Musiques
© Caradec / F451 Prod

Special Banlieues Bleues

Publié le 30 mars 2013 - N° 208

Le directeur du festival Banlieues Bleues défend plus que jamais une programmation novatrice et métisse qui part du jazz pour mieux s’en détacher, et une approche des publics qui concilie exigence et proximité.

“Banlieues Bleues, C’est de l’art singulier, non formaté, et surtout pas de la duplication de choses qui marchent.”

Après 30 ans de concerts, est-il plus facile ou plus compliqué d’imaginer une nouvelle mouture ?
Xavier Lemettre : Les deux ! Le réseau s’étoffe, mais il y a tant de propositions ! A Banlieues Bleues la délimitation des champs artistiques est floue, la programmation réunit non seulement les familles jazz mais aussi pas mal de satellites, voire des artistes qui ne font absolument pas de jazz ! Ce manque de chapelle identifiable ne plaît pas à tout le monde, cela peut brouiller les repères dans un pays qui aime les étiquettes… C’est de l’art singulier, non formaté, et surtout pas de la duplication de choses qui marchent.

Conçoit-on une trentième édition comme toute autre édition ?
X.L. : Je ne voulais pas être nostalgique. On aurait pu raconter notre histoire, comme on l’avait fait avec “Jazz comme une image” pour les 15 ans, mais cette fois je voulais regarder le présent. Je voulais présenter les paysages d’aujourd’hui et demain, amener de l’inédit, monter des créations, même si ce n’est pas évident dans le climat économique actuel… Faire avancer les artistes, faire découvrir du nouveau au public, on s’est donné ce risque pour mission.

La prise de risque est devenue rare dans les programmations de festivals.
X.L. : Je me souviens du premier concert du Nigérien Bambino, alors inconnu en France au Blanc-Mesnil en 2011. Aujourd’hui, il joue à Pleyel, son nouveau disque crée l’effervescence, il est incontournable ! Cette année, on programme deux fois Vincent Peirani, accordéoniste extrêmement doué : je suis sûr que dans un an ou deux il sera partout ! Il existe une frilosité chez pas mal de programmateurs, mais c’est pourtant notre rôle de défricher, de faire grandir le talent. Les noms que nous programmons sont parfois totalement inconnus et nos propositions déconcertantes, mais nous voulons et devons persévérer dans cette ouverture. Le risque fait partie de notre métier.

L’exigence de la programmation va de pair avec une ambiance, un état d’esprit qui rendent les concerts les plus pointus accessibles.
X.L. : Au départ on s’est heurté aux idées reçues : élitisme, avant-gardisme, passéisme, tout et son contraire ! On va à l’encontre de tous les clichés, et on touche les petits comme les grands. Le territoire de Banlieues Bleues est évidemment partie prenante de la programmation, je ne sais pas quelle serait la programmation si nous étions au bord de la mer en plein été ! Il s’agit d’être ouvert, exigeant, avec des prix légers, des ateliers et des contacts directs entre artistes et publics…

Les actions musicales sont devenues consubstantielles à la programmation artistique…
X.L. : L’idée est de transmettre, de créer une rencontre entre artistes et publics, en permettant d’intégrer de nouveaux horizons, de nouvelles pratiques. La construction des actions se fait sur le terrain, avec les artistes et les partenaires locaux. Les résultats sont passionnants, renversant les logiques d’échec scolaire, réconciliant les ados et leurs profs, voire les gamins entre eux, valorisant tous les intervenants. Et lors des concerts, les publics de connaisseurs se retrouvent au milieu de collégiens et lycéens qui s’impliquent au fil des actions. Cela ancre le concert sur le territoire et produit du sens. Le but n’est pas de mélanger publics et artistes, mais d’enraciner la musique dans le champ social, toujours avec une logique artistique.

Chaque année, le festival se voit fragilisé dans son fonctionnement par la menace planant sur les politiques culturelles nationales et territoriales. Quel est l’état actuel du soutien public au spectacle vivant ?
X.L. : Les gens ont envie, ont besoin de s’ouvrir avec les concerts ; les subventions sont nécessaires pour garder une politique tarifaire incitative. Si l’actuel gouvernement a émis le principe d’une culture sanctuarisée, avec une priorité pour l’aide à la création, c’est bien entendu le budget qui pose aujourd’hui problème. Quels moyens veut-on se donner pour assumer ces priorités ? Le projet de loi d’orientation est censé mettre en chantier un plan de relance, mais nous autres acteurs culturels restons vigilants quant au respect de ces engagements, avec une certaine crainte.

Et si vous ne deviez assister qu’à un concert de cette édition?
X.L. : Il est évidemment impossible de répondre ! Mais disons la première soirée, le 5 avril, pour avoir l’espoir de voir les suivantes ! Noël Akchoté est plus qu’un musicien doué, c’est un personnage. Son interprétation de Gesualdo, un mythe trouble de la musique ancienne, en remplaçant les cinq voix des madrigaux par cinq guitares, sera un événement et, je m’en réjouis d’avance, un concert exceptionnel. Car c’est bien là que tout se décide, sur scène. Le live est le couperet final balayant toutes nos autres considérations !

Propos recueillis par Jean-Luc Caradec et Vanessa Fara

A propos de l'événement

XAVIER LEMETTRE : 30 ANS DE VIE EN BLEU
du vendredi 5 avril 2013 au vendredi 26 avril 2013


Banlieues Bleues, du 5 au 26 avril en Seine-Saint-Denis. Tel : 01 49 22 10 10. www.banlieuesbleues.org
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