A quiet place, huis clos familial pour grand orchestre, mise en scène de Krzysztof Warlikowski, direction de Kent Nagano.
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Après Salzbourg, Sydney et New York, l’Opéra Bastille accueille la sidérante production de l’opéra d’Alban Berg mise en scène par William Kentridge, portée par la direction magistrale de Susanna Mälkki.
« Même en rêve, il ne m’est pas venu à l’esprit de faire de Wozzeck une œuvre révolutionnaire » déclarait Alban Berg peu après la création — et le succès — de son opéra à Berlin en 1925. Il entendait seulement, dira-t-il, « donner au théâtre une œuvre qui lui convienne entièrement ». De fait, Wozzeck, c’est entièrement du théâtre et entièrement de la musique. C’est ce qu’a parfaitement compris William Kentridge. Sa mise en scène est une projection de l’état de l’âme des personnages et de l’esprit du monde, comme le sont déjà, avant elle, la musique et le livret d’Alban Berg. Il n’y a d’ailleurs nulle redondance dans sa proposition : il ne suit pas le texte de Berg mais l’accompagne et l’interprète. Il situe l’œuvre dans le contexte de la guerre — celle que Berg a connue avant de se lancer dans la composition de Wozzeck. Elle est à la fois proche et lointaine : le fond de scène s’illumine des explosions comme il se couvre de cartes du front, surchargées de mouvements. Surtout, elle envahit tout : la campagne alentour se gorge du sang et de la mémoire des morts, avec ces têtes qu’on y voit rouler le soir, elle anéantit jusqu’à la moindre possibilité d’espérance, laissant seul Wozzeck (« Tout est calme, comme si le monde était mort », acte I, scène 2), Marie sa compagne et victime, et l’enfant « qui n’avait plus personne au monde » (acte III, scène 1) et l’observe sans le comprendre (le rôle est ici confié à une émouvante marionnette).
Une peinture effroyable du monde
À la fois littérale et fantasmée, la scénographie redouble les échos de la musique. Elle puise aussi sa force dans la précision et l’intelligence de la direction musicale. Avec Susanna Mälkki à la baguette, l’œuvre révèle encore des secrets, un siècle après sa composition. Dès les premières mesures, la cheffe finlandaise fait sentir cette peinture du monde qu’est Wozzeck. Elle donne tout son relief à la partition, les vents en particulier sonnent avec une extraordinaire acuité. Sur scène, Johan Reuter incarne Wozzeck à la perfection, profondément humain, jusque dans la folie, jusque dans le crime, dans un monde privé d’humanité. Toute la distribution se hisse au niveau proposé par la fosse et la mise en scène, avec une Eva-Maria Westbroek déchirante dans ses scènes avec l’enfant, Falk Struckmann glaçant dans le rôle du Docteur ou encore Gerhard Siegel et John Daszak, qui, se jouant de l’écriture particulièrement exigeante de leur rôle, poussent la ridicule vanité de leurs personnages — le Capitaine et le Tambour-Major — jusqu’à l’effroyable.
Jean-Guillaume Lebrun
Les 10, 16, 19, 24 et 30 mars à 20h, les dimanches 13 et 27 mars à 14h30, avant-première pour les moins de 28 ans le 7 mars à 20h). Tél. : 08 92 89 90 90.
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