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Théâtre - Critique

Virginie Despentes met en scène Romancero Queer, sa première pièce écrite en solo

Virginie Despentes met en scène Romancero Queer, sa première pièce écrite en solo - Critique sortie Théâtre Paris la colline
Romancero Queer de Virginie Despentes. Crédit : Teresa Suarez

La Colline – Théâtre national / texte et mise en scène Virginie Despentes

Publié le 22 mai 2025 - N° 333

Dans la petite salle de La Colline, Virginie Despentes met en scène Romancero Queer, sa première pièce écrite en solo. Une comédie de caractère un peu sage qui expose, dans les coulisses d’une création théâtrale problématique, les soulèvements intimes et politiques de notre monde revivifié par le mouvement #MeeToo.

Elles sont huit. Huit personnalités de tous genres qui composent une troupe de théâtre dans le théâtre. Ces comédiennes et comédiens disparates répètent une version censément avant-gardiste d’un classique du XXème siècle : La maison de Bernarda Alba. On découvre ces figures hautes en couleur backstage, dans l’univers clos des coulisses. L’ambiance de travail, loin d’être fluide, met en évidence de multiples dysfonctionnements. Toutes sortes d’exhortations fusent et des griefs s’expriment. Principalement à l’encontre du metteur en scène, Michel, que l’on ne voit pas, mais dont on entend beaucoup parler. Cet homme blanc, hétérosexuel, soixantenaire, a décidé de monter une vision queer de la pièce de Federico García Lorca pour épater sa fille, une adolescente non-binaire. Premier problème, il ne semble pas très inspiré. Et puis, surtout, il use et abuse de privilèges qu’il pense encore légitimes. Il se comporte à l’ancienne. De manière toxique et arbitraire. Comme si le monde n’avait pas été éclairé par la révolution #Metoo. Mais l’époque va se rappeler à lui. Gaby (Sasha Andres), André (Amir Baylly), Max (Casey, en alternance avec Naelle Dariya), Wanda (Mata Gabin), Faïrouz (Soraya Garlenq), Nina (Mascare), Vita (Soa de Muse) et Lou (Clara Ponsot), ses interprètes wokes (c’est-à-dire éveillés), finissent par se révolter contre ses abus de pouvoir.

Une révolte qui manque d’audace

On connaît Virginie Despentes pour ses romans à succès qui jettent une lumière crue sur les débordements du réel et les impostures du monde contemporain. Également pour ses discours souvent enragés contre le patriarcat et le capitalisme ultra libéral. Sa voix, qui habituellement détonne, s’exprime ici de façon étonnamment polie. Pour pointer du doigt les antagonismes qui opposent la société de classe hétérocentrée à la communauté arc-en-ciel, la romancière que l’on aime trublionne se moule dans les codes conformistes d’une comédie de caractère. On attendait de sa part davantage d’audace, de feu, de radicalité. Bien sûr, elle arpente un chemin qui ne lui est pas familier. Après Woke, en 2024, ce spectacle est sa seconde création. Son geste de mise en scène, assez conventionnel, peine à faire naître les arrière-plans et les lignes de faille qui font la puissance du théâtre. Il manque de la profondeur à toutes ces figures qui passent leur temps à se chamailler plutôt qu’à dénoncer, pleinement, les violences qu’elles continuent de subir. La direction d’acteur, elle, est une réussite. Même si elles peinent à surprendre, les séduisantes individualités qui incarnent Romancero Queer déclenchent les rires et suscitent l’empathie. Elles relèvent la tête et prônent la révolte. Pas la révolution.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Romancero Queer
du mardi 20 mai 2025 au dimanche 29 juin 2025
la colline
15 rue Malte-Brun, 75020 Paris

Du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h. Relâche le dimanche 25 mai. Tél. : 01 44 62 52 52. Durée : 1h50.

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