Borges & Goya
Deux pièces courtes et corrosives de Rodrigo [...]
Avignon / 2013 - Entretien Laurent Viel
Après la magnifique réussite d’un précédent spectacle dédié au répertoire de Jacques Brel, Laurent Viel, chanteur-comédien, revisite à sa façon incisive les trésors d’une autre géante de la chanson française : Barbara. Creusant dans les zones d’ombre de son œuvre, Viel tente le pari audacieux d’éclairer un visage plus insolent, trouble ou sensuel de la grande dame, tout en réinventant avec une grâce et une force stupéfiantes des chansons célèbres qui nous reviennent soudain, bouleversantes, comme si on les comprenait pour la première fois. Du grand art.
Comment est née cette idée de chanter Barbara?
Laurent Viel : J’ai découvert l’univers de Barbara à l’âge de 8 ans. Sans comprendre forcément tout ce qu’elle racontait, j’ai su très précisément à ce moment-là que cette rencontre était essentielle. Je peux même dire que si je chante c’est « parce que Barbara … » et que sans l’avoir connue personnellement elle fait partie de ma famille. C’est pour moi l’artiste de l’intime. Elle réussit la prouesse de nous parler de nous en parlant essentiellement d’elle. Je crois que j’ai toujours su que j’aurais un rendez-vous artistique avec ses chansons, son univers. Dernièrement plusieurs signes m’ont dit que c’était l’heure, donc quand c’est l’heure, il faut s’y rendre.
Quel est l’esprit général de ce spectacle?
Laurent Viel : J’aimerais que le public se dise en sortant de la salle que ses chansons sont pleines de vie, de rires, d’insolences et de combats. Que tout en étant bouleversante d’émotion, Barbara n’en était pas moins transgressive et provocante, qu’elle débordait de sensualité et qu’elle était empreinte d’une liberté de vivre et de penser totale.
Barbara est bien plus que « la Grande Dame Noire de la chanson française », image dans laquelle on l’enferme trop souvent et qu’elle n’aimait pas beaucoup d’ailleurs.
On se souvient de votre spectacle Brel. En quoi chanter Barbara relève-t-il d’une expérience différente?
Laurent Viel : Travailler sur les chansons de Brel a été plus simple pour moi. Même si elles demandent un engagement entier et absolu, elles sont écrites dans les règles de l’art. Une fois l’angle d’attaque trouvé, je n’avais plus qu’à dérouler le fil. Celles de Barbara sont beaucoup plus délicates dans leurs constructions et donc plus complexes à appréhender. Elles sont plus fragiles et c’est justement cette fragilité qui les rend si belles, si émouvantes, si drôles, et si difficiles à « attraper ». Il faut y retourner plusieurs fois pour réussir à apporter une lecture personnelle, à les faire siennes, tout en ne les trahissant pas. J’étais un peu comme dans un atelier de confection de dentelles ou d’orfèvrerie.
Propos recueillis par Jean-Luc Caradec
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