La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Une Ile

Une Ile - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage Légende photo : Une Ile ou les masques de la révélation.

Publié le 10 mars 2008

Un plateau nu, douze masques, la simplicité d’une langue qui réinvente le réel, la force d’un jeu éblouissant : François Cervantes et les siens prouvent que l’art est le rival du monde.

Impression étrange que celle que provoque d’emblée ce spectacle qui joue des pouvoirs mystagogues du théâtre comme un servant malicieux qui ouvrirait et fermerait les portes du sacré pour mieux appâter les fidèles. Tout commence dans un presque réalisme pourtant déjà gros des mystères à venir. Quatre personnages vêtus de noir, prénommés comme les acteurs qui les incarnent, entrent sur le plateau. L’une d’eux semble plus familière des lieux que leur art va faire surgir, visiteuse peut-être déjà de cette île où ils ont échoué, mais rien n’est vraiment dit de la latitude imaginaire de cette terre étrange : utopie, hétérotopie, uchronie, au-delà, terre intelligible, rêve ou délire ? Nicole (Choukroun), Philippe (Foch), Catherine (Germain) et Stephan (Pastor) sont venus ramener chez elle la jeune femme silencieuse qui servait de modèle à leur ami peintre après la mort de celui-ci, et découvrent à cette occasion l’histoire de son île natale, qu’ils vont sillonner de l’intérieur d’eux-mêmes, en incarnant sous le masque les différents personnages qui l’habitent. L’exploration menée est donc autant géographique que psychologique et invite le spectateur à une plongée en ses propres arcanes, inconscientes ou archaïques, qui sont peut-être le terrain de ses propres légendes, le lieu de ses propres fantasmes.
 
Quand le masque se met à vivre…
 
Le kamikaze, l’adolescente, la mère, le commerçant, la beauté, le joueur, le fou, le sage, l’architecte, le veilleur, le voleur, le vieux : autant de figures surgies d’un tarot fantastique, d’un bestiaire enchanté, d’une mythologie syncrétique et que les quatre comédiens interprètent avec un talent fascinant qui obnubile au point qu’on ne peut pas ne pas croire à l’absolue réalité de ces êtres fabriqués du limon du langage et animés par le souffle du génie dramatique de ceux qui les accouchent par leur jeu. La force créatrice du théâtre s’exprime avec une puissance peu commune et Pygmalion ne dut pas être plus ébloui que le public au spectacle de la vie ainsi accordée à l’essence modelée dans la pierre. Née de la rencontre entre François Cervantes et Didier Mouturat, le sculpteur de cette famille de douze masques, Une Ile raconte de douze façons différentes l’histoire de ce hors-lieu étrange, où l’émotion et le rire atteignent des degrés d’intensité incroyables. Le théâtre devient avec François Cervantes et les siens temps de la sidération et lieu de la magie.
 
Catherine Robert


Une Ile, écriture et mise en scène de François Cervantes. Théâtre Massalia, Friche La Belle de Mai. Du 22 janvier au 15 mars 2008. Du mardi au samedi à 20h ; le dimanche à 16h ; relâche le 9 mars. Friche La Belle de Mai, 41, rue Jobin, 13003 Marseille. Réservations au 04 95 04 95 70. Le 11 avril 2008 à 20h30 au Théâtre Paul-Eluard, 4, avenue de Villeneuve-Saint-Georges, 94600 Choisy-le-Roi. Réservations au 01 48 90 89 79. Le 25 avril 2008 à 20h30 au Théâtre de la Tête Noire, La Chapelle Vieille, 144, ancienne route de Chartres, 45770 Saran. Réservations au 02 38 73 14 14. Du 13 au 16 mai 2008 à 21h. Centre Dramatique National de Sartrouville, place Jacques-Brel, 78505 Sartrouville cedex. Réservations au 01 30 86 77 79.

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