La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Un voyage d’hiver

Un voyage d’hiver - Critique sortie Théâtre
Crédit : D.R. Légende : Un théâtre qui montre à vue la construction de la représentation

Publié le 10 février 2010

Corine Miret et Stéphane Olry racontent Un voyage d’hiver singulier, qui met en jeu les mécanismes mêmes de la représentation. Une démarche passionnante qui cherche son accomplissement sur scène.

C’était au cœur d’un hiver, quand la froidure des habitudes engourdit le désir jusqu’au goût même du plaisir, quand il faut battre en retraite au loin de soi pour se retrouver. Devenir étranger à soi-même dans la solitude d’un ailleurs inconnu. Délier les attaches du quotidien pour renouer des liens avec la vie. Répondant à l’invitation de la Comédie de Béthune, Corine Miret est partie vivre cette expérience sept semaines dans un patelin de l’Artois, tout en suivant une règle précise et contraignante : elle a fréquenté les lieux publics, les bars, les lotos, la mairie, la superette, le club de randonnée ou encore le cours de viet vo dao. Elle a fait connaissance avec des gens du cru, essayé de s’intégrer dans l’activité locale et consigné ses observations et impressions sur des cassettes postées tous les trois jours à Stéphane Olry, son complice de La revue Eclair. A la fin de son séjour, elle a organisé une fête rassemblant les personnes rencontrées lors de sa mission et leur a annoncé la création d’un spectacle à partir de son « voyage ».
 
Un théâtre documentaire poétique
 
Travaillant à partir de cette matière documentaire, Stéphane Olry a écrit de courts textes en écho aux émotions traversées par Corine Miret, tandis que, dans un studio de danse, elle retraversait en mouvement ce « déplacement », pour inscrire le parcours émotionnel dans sa chair. Si le processus, expliqué en prologue, participe de la création même, comment mettre en jeu ses matériaux intimes ? Là est bien la question… Ecartant tout réalisme, le metteur en scène manipule le procédé même du théâtre comme représentation, agencement de signes qui renvoient au réel sans pourtant s’y réduire. Sur le plateau, point de personnages mais des êtres qui ne jouent qu’eux-mêmes (l’auteur, le compositeur, la danseuse…) ou des figures allégoriques (le Gardien, la Terre, la Fée du logis, l’Amour…), qui condensent en leur présence des sensations vécues. Chacun raconte, par les mots, les gestes, le corps, l’expérience de ce Voyage d’hiver, pendant que la Fée du logis installe peu à peu une maquette géante du paysage avec des bouts de feutrine et constructions miniatures. Corine Miret et Stéphane Olry tentent ici de saisir le jeu du réel et de la fiction, l’écart entre la carte et le territoire, l’opération symbolique de représentation qui transcende l’individuel pour faire œuvre commune. Ce théâtre qui se raconte en train d’advenir et se défait sans cesse explore sa propre contradiction : ne pas faire théâtre tout en faisant théâtre. Si la proposition scénique, trop démonstrative et anecdotique, paraît encore laborieuse et peine à trouver sa forme, la démarche ouvre un champ d’expérimentation passionnant.
 
Gwénola David


Un voyage d’hiver, conception et mise en scène Stéphane Olry, du 3 au 16 février 2010, à 19h30 lundi, mercredi et samedi, à 21h mardi, jeudi et vendredi, relâche dimanche, au Théâtre Paris-Villette, Parc de la Villette, Porte de Pantin, 75019 Paris. Rens. 01 40 03 72 23 et www.theatre-paris-villette.com. Durée : 1h30. Spectacle vu à l’Echangeur de Bagnolet.

A propos de l'événement


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