La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Un soir, une ville…

Un soir, une ville… - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Brigitte Enguerand Légende : « Sylvie Debrun et Geneviève Mnich dans Un soir, une ville…, au Théâtre de la Commune. »

Publié le 10 janvier 2012 - N° 194

Après Avis aux intéressés en 2004 et Objet Perdu en 2006, Didier Bezace revient à l’auteur australien Daniel Keene avec Un soir, une ville… Un montage de trois pièces courtes qui nous place face à une humanité fragile et obscure. Remuant.

Un père esseulé et son fils de douze ans, qui se retrouvent sur la berge d’un fleuve (Fleuve). Un commis voyageur et un jeune marginal, qui lient connaissance dans un bar, près d’une gare (Un verre de crépuscule). Une femme et sa mère qui perd la mémoire, devant la perspective d’une nouvelle vie (Quelque part au milieu de la nuit). Les trois pièces courtes de Daniel Keene que met en scène Didier Bezace tracent les perspectives d’une humanité meurtrie par les heurts du monde et de l’existence. Une humanité contemporaine qui tente, comme elle le peut, d’échapper à la solitude et au désespoir. « Dans chacune de ces trois pièces, explique l’auteur australien, il y a un fossé douloureux, un espace vide et muet entre les personnages ; ce fossé ou cette béance est ce qu’au moins un des deux personnages essaie de franchir ou de combler. » Pour incarner toute la profondeur de ces êtres complexes et fragiles, le directeur du centre dramatique national d’Aubervilliers a fait appel à un groupe de comédiens en tous points remarquables.
 
Des réalités uniques et indéniables
 
S’appuyant sur Patrick Catalifo, Sylvie Debrun, Daniel Delabesse, Thierry Levaret et Geneviève Mnich (le rôle du jeune fils, dans Fleuve, est interprété en alternance par Maxime Chevalier-Martinot et Simon Gérin), la mise en scène épurée de Didier Bezace rend compte de façon saisissante de ces trois face-à-face. Quelques éléments de décors et la présence, essentielle, des comédiens au cœur du plateau : ce spectacle d’une grande exigence centre tous ses enjeux sur l’émergence d’une matière humaine forte, obscure, à la violence sourde. Tentant de définir ce qu’est un poème*, Daniel Keene déclare que c’est peut-être « une réponse imaginaire à une question inexistante », ou « une condensation de sens au point de parvenir à une réalité unique et indéniable ». C’est vers cela que semblent tendre les interprètes d’Un soir, une ville… En ouvrant les perspectives singulières de leurs six personnages, ils nous transportent vers les zones théâtrales d’une poésie humaine unique et indéniable.
                                                                                                                        
Manuel Piolat Soleymat


* Entretien avec Stéphane Müh, publié dans Pièces courtes 2, éditions Théâtrales, janvier 2007.
 

Un soir, une ville…, montage de trois pièces courtes de Daniel Keane (Fleuve, Un verre de crépuscule et Quelque part au milieu de la nuit) ; texte français de Séverine Magois (publié aux Editions Théâtrales) ; mise en scène de Didier Bezace. Du 4 au 29 janvier 2012. Les mardis et jeudis à 19h30 ; les mercredis, vendredis et samedis à 20h30 ; les dimanches à 16h. Théâtre de la Commune, Centre dramatique national d’Aubervilliers, 2, rue Edouard-Poisson, 93300 Aubervilliers. Tél : 01 48 33 16 16. Durée de la représentation : 2h. Spectacle vu en novembre 2011, lors de sa création à La Coursive – Scène nationale de La Rochelle.

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