Nos disques sont rayés
Quinze jours sur les blocages français. Une [...]
Célie Pauthe s’empare du dernier roman de Christine Angot, consacré à sa mère. Malgré l’interprétation des grandes Bulle Ogier et Maria de Medeiros, elle peine à donner à cette écriture de l’intime la dimension universelle qu’on aurait souhaité y trouver.
Christine Angot pensait vivre la mort de son père à la manière du Meursault d’Albert Camus. Dans l’indifférence, ou peut-être avec une certaine joie. Après tout, cet homme n’était-il pas « un salopard, qui avait violé sa fille » ? Mais Un amour impossible (Flammarion, 2015) n’est pas L’Inceste (Stock, 1999), roman qui a fait de cette romancière une figure médiatique majeure du paysage littéraire français. Entre les deux, les années ont passé et les livres aussi. Des autofictions où l’auteure ne cesse de renouveler son approche de la blessure intime et familiale. Dans l’adaptation théâtrale de son dernier roman qu’elle a réalisée pour Célie Pauthe, Christine Angot dit dès les premières lignes la tristesse de son double littéraire à l’annonce de la disparition du père. C’est donc l’un des romans les plus apaisés de la romancière à la réputation sulfureuse que met en scène la directrice du CDN de Besançon. Sans parvenir tout à fait à donner chair à la relation mère-fille que Christine Angot s’emploie à décrire à travers une succession de dialogues plus ou moins brefs et à l’écriture lapidaire. À l’« écriture comme un couteau », selon les termes d’Annie Ernaux dans un essai éponyme.
Fragments d’un discours filial
Comme l’auteure de La Place (1983), Christine Angot fait dans Un amour impossible une lecture politique de son histoire familiale. Dans la dernière partie de la pièce, qui est aussi la plus longue, elle expose en effet son analyse de la tragédie passée : sa mère fut victime « du rejet social. Et de la sélection ». Bulle Ogier et Maria de Medeiros ne sont donc pas seulement chargées de s’emparer d’une écriture très personnelle, mais aussi d’en actualiser la portée politique, davantage ancrée dans la réalité des années 1980 que dans celle d’aujourd’hui. À sa création à Besançon, le jeu de ces deux grandes comédiennes manquait hélas de l’abstraction nécessaire. Dans le premier tableau, Maria de Medeiros incarne une Christine Angot en culottes courtes avec trop de mimiques pour installer la tension qui sous-tend l’ensemble du texte. L’élégante et minimaliste scénographie conçue par Guillaume Delaveau a beau être transformée à vue à chaque changement d’acte, cela ne suffit pas à tirer vers le présent une mise en scène un peu trop classique pour porter l’évolution des dialogues mère-fille dans le temps. Ni à ouvrir les possibilités d’interprétation offertes par le texte de Christine Angot. Autrement dit, cet Amour impossible se distingue mal de l’original. Il hésite entre froideur et sentimentalisme, comme un aveu d’échec face à la singularité très polémique de l’oeuvre d’Angot.
Anaïs Heluin
Ateliers Berthier, 1 rue André Suares, 75017 Paris, France. Du 25 février au 26 mars 2017. Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h, relâche le dimanche 26 février. Tel : 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu. Également le 6 avril au Théâtre Anne de Bretagne à Vannes.
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