Enfance et adolescence de Jean Santeuil
Dans Enfance et adolescence de Jean Santeuil, [...]
Le Théâtre de la Cité Internationale met en avant la jeune création avec Trust-Karaoké Panoramique, une pièce noire et énergique, inspirée de Falk Richter.
C’est un dispositif nommé Cluster qui a élu deux projets de jeunes autrices et metteuses en scène. Soutenu par le JTN, le Théâtre de la Cité Internationale et le Théâtre de Chelles, il a choisi parmi six propositions celle du Monde Renversé, œuvre collective de jeunes femmes issues de la Comédie de Saint-Etienne, et Trust-Karaoké Panoramique, mis en scène par Maëlle Dequiedt, diplômée du TNS en 2016. Trust-Karaoké Panoramique s’appuie sur un texte de Falk Richter qui raconte la désintégration des relations interpersonnelles, sous les coups de boutoir d’une logique néo-libérale s’insinuant partout. Lui-même fragmenté en dialogues, monologues, parfois répétés, toujours entrecroisés, le texte isole et disperse ses personnages, si l’on peut appeler ainsi ces êtres enfermés dans leurs obsessions et leurs solitudes. Un spectacle sans fil narratif qui conduit à une mise en jeu aux frontières du théâtre et de la performance et à un éclatement des lieux de jeu au plateau, suffisamment bien pensé pour assurer une belle fluidité à l’ensemble.
Mise en scène chorégraphiée
Bien sûr, il y a quelque chose de malheureusement un peu vieilli dans Trust, non dans le constat de Falk Richter mais dans la forme qu’il prend. Ce qui était nouveau en 2000 a perdu maintenant cette qualité, et quand des comédiens et une metteuse en scène dans la vingtaine s’en emparent, surgit vite la peur que leur jeunesse les fasse s’engouffrer pour de mauvaises raisons dans un texte qui brille par la radicalité de son désespoir. Un temps, une lenteur un peu affectée du narrateur, le didactisme appuyé d’un écrivain qui demande comment se révolter aujourd’hui, ou l’effet de déjà-vu de cette critique contre le tout mercantile laissent redouter les affres d’un spectacle bien vert. Mais petit à petit, le rythme s’impose et l’entrecroisement des personnages, dans une mise en scène pensée comme une chorégraphie où il se passe toujours quelque chose et où l’énergie de la troupe va crescendo, emporte l’adhésion du spectateur. Les saynètes s’enchaînent, qui racontent l’isolement des êtres confrontés à leur impuissance face à cette valeur argent qui gangrène les corps et le corps social. Les errances finissent par imprégner la scène, les personnages – nommés par leur vrai prénom –prennent chair, et ce qu’on soupçonnait de constituer des maladresses scéniques prend du sens. Un spectacle qui, sans être éblouissant, méritait donc d’être mis en lumière.
Eric Demey
jeudi et samedi à 19h, relâche le dimanche et le mercredi 13 décembre. Tel : 01 43 13 50 60. Spectacle vu au théâtre de Chelles. Durée : 1h30.
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