La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Troïlus et Cressida

Troïlus et Cressida - Critique sortie Théâtre Paris Comedie française-Théâtre du Vieux-Colombier
Crédit Photo : Christophe Raynaud de Lage Légende : « Stéphane Varupenne dans Troïlus et Cressida par Jean-Yves Ruf. »

Comédie-Française / de Shakespeare / nouvelle traduction André Markowicz / mes Jean-Yves Ruf

Publié le 2 mars 2013 - N° 207

Avec la tragi-comédie shakespearienne, ses bouffonneries et ses sarcasmes, Jean-Yves Ruf déploie un plaidoyer efficace contre les vanités de la guerre. 

Dans la salle rénovée de la Comédie-Française, la représentation de Troïlus et Cressida par Jean-Yves Ruf ajoute un joli coup de pinceau au rafraîchissement des couleurs et parquets, d’autant que le traducteur André Markowicz revigore sa nouvelle version, au plus près de notre temps. Le cadre embelli évoque par antithèse une Guerre de Troie épuisée, « décolorée », qui s’enlise depuis sept ans dans la perte de ses objectifs. Soldats et chefs guerriers, Grecs et Troyens récriminent contre la déroute de leur armée. Le discours moral et philosophique du subtil Ulysse (Éric Ruf) pose la question de la guerre, condamnable dans son principe par la transgression de l’interdit fondateur du meurtre des êtres humains. Esprit d’agression, incitation à la violence et à l’aversion, perversité des intérêts cachée sous la ferveur de se battre, les belligérants font le triste constat de la responsabilité de Ménélas et Hélène dans l’embrasement de la haine. Le sage et immonde bouffon Thersite (Jérémy Lopez) s’exclame : « Quelle bouffonnerie, quelle pantalonnade et quelle fripouillerie ! Tout l’argument, c’est une putain et un cocu… ».  Entre ricanements amers, ironie et dérision, la pièce dénonce la vanité guerrière, sa cruauté dans le recours cynique au fer, au feu, au sang et à la mort pour les deux camps.

Nouveau monde de négociateurs

La vision comique fausse l’exaltation glorieuse  de la guerre, l’évocation romantique des tableaux historiques. Côté grec, le décor plante des voilures abîmées de chapiteau de camp militaire et des gradins mobiles d’hémicycle. Les Grecs appartiennent au nouveau monde des négociateurs, Nestor (Michel Favory), Agamemnon (Laurent Natrella), Ménélas (Akli Menni) et leurs héros grotesques et dérisoires, Achille (Sébastien Pouderoux) et Ajax (Loïc Corbery). Côté troyen, les bancs disposés en étages d’où Cressida (Georgia Scalliet) et son oncle maquereau Pandare (Gilles David)  contemplent la parade virile, culminent sur la place publique. Fille du traître Calchas (Christian Gonon), Cressida acquiesce à la fougue amoureuse de Troïlus (Stéphane Varupenne). Les jeunes gens sont poussés par la trivialité de l’entremetteur dans un joli lit clos de bois sculpté. Et Hector (Michel Vuillermoz) sait qu’il serait raisonnable de rendre Hélène aux Grecs, mais il ne peut renier tous ses morts face à Priam (Yvon Gasc), Énée, Troïlus, Pâris. Les Troyens aux allures de gladiateurs de mangas défendent un monde révolu aux codes bousculés par la considération des rapports de force. Cressida est échangée contre un otage. Face à la Realpolitik, l’amour, l’honneur et la fidélité ne peuvent plus rien. 

Véronique Hotte

A propos de l'événement

Troïlus et Cressida
du samedi 26 janvier 2013 au dimanche 5 mai 2013
Comedie française-Théâtre du Vieux-Colombier
Place Colette, 75002 Paris

En alternance du 26 janvier au 5 mai 2013, matinée à 14h, soirées à 20h30. Tél : 0825 10 16 80 (0,15 euro la minute).Texte publié aux Éditions des Solitaires Intempestifs.
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