La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Tartuffe d’après Tartuffe de Molière

Tartuffe d’après Tartuffe de Molière - Critique sortie Théâtre
Crédit : Julie Pagnier Légende : « Tartuffe (Julian Eggerickx) et Orgon (Grégoire Monsaingeon) ».

Publié le 10 octobre 2010

À travers Tartuffe, l’équipe de Gwenaël Morin fustige avec un brio brut l’hypocrisie religieuse. Un diamant non purifié.

Ne ménageant pas ses efforts dans la fréquentation du répertoire classique, Tartuffe, Hamlet, Bérénice, Antigone, Woyzeck…, la compagnie du Théâtre Permanent de Gwenaël Morin ne déroge pas à sa conviction scénique et radicalise son propos. Entre découpures de carton kraft et bouts de ficelle à l’abandon, le décor de fortune posé sur le plateau revendique une nudité existentielle. L’enjeu consiste à dire le désordre amer et à crier l’infortune des êtres en déshérence et trompés par la dévotion hypocrite, par de faux directeurs de conscience. Aussi Orgon est-il aveuglé par les mensonges de Tartuffe, que toute la maisonnée condamne, si ce n’est Madame Pernelle, l’aïeule voilée. À bout de souffle, la famille court et poursuit, autour de la table en bois, la femme à la burka noire. Ce meuble du quotidien est l’accessoire central de l’intrigue, une table en forme de Radeau de la Méduse de Géricault, sous laquelle Elmire cache son époux Orgon, pour démasquer enfin le menteur. Sur la table encore, les corps sont disposés de façon sculpturale, comme abandonnés à la dérive de ténèbres moyenâgeuses, debout en vainqueurs ou bien gisants accablés. Orgon et Tartuffe se mortifient, corps au dos allongé et bras en croix. Ces dévots de pacotille pensent infliger à la chair et aux passions la soumission aux exigences spirituelles.
 
Vents violents intimes
 
Quand Orgon s’adresse à sa fille pour la marier à Tartuffe, ou bien quand il s’apprête à déshériter son fils, il simule l’agression physique et sexuelle sous les apparences du commandement moral. Mais on a beau les brider, les corps endoloris malmenés avouent, ballottés par des vents violents intimes, entre l’angoisse et l’espoir. Les acteurs s’élancent sur la scène dans de belles glissades. Ils hurlent ou bien chuchotent, selon l’émotion. Le chandelier, porté d’une main à l’autre pour le passage de la vérité, rappelle la lumière de la bougie vacillante des toiles de Georges de La Tour. La flamme est la connaissance qui auréole le profil d’un visage, révèle la méditation hors de la pénombre intérieure. Les acteurs masculins jouent les rôles féminins, Renaud Béchet est une Dorine convaincante. La vertueuse Elmire – avec la noblesse de Barbara Jung – parodie une scène porno de séduction réussie. Damis – Ulysse Pujo, l’ado rebelle – évoque un personnage comique et entêté, adepte des arts martiaux. Les clins d’œil au théâtre répondent à une dynamique effrénée pour le bonheur d’être là, un public enchanté face à des comédiens décidés et remontés à mort, Julian Eggerickx, Grégoire Monsaingeon et Gwenaël Morin.
 
Véronique Hotte


Tartuffe d’après Tartuffe de Molière ; adaptation et mise en scène de Gwenaël Morin. Du 27 septembre au 31 octobre 2010 à 19h30, dimanche à 15h30. Théâtre de la Bastille 76, rue de la Roquette 75011 Paris. Tél  : 01 43 57 42 14. Durée : 1h 20

A propos de l'événement


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