Sun Ra Arkestra

Herman Poole Blount dit Le Sony’r Ra dit Sun Ra a quitté notre planète le 30 mai 1993 mais son esprit survit depuis près de trente ans grâce à son Arkestra, l’orchestre qu’il avait fondé à Chicago à la fin des années 1940, une sorte de phalanstère musical à la tête duquel il a mené l’essentiel de sa trajectoire cosmique. Convaincu que si la société américaine ne savait pas faire de place à l’homme noir, alors, comme le disait son mantra, Space Is the Place, le musicien inventa tout un ailleurs sonore et visuel, en prenant pour base le format du big band de jazz, mêlant les références à l’Égypte ancienne, à la science-fiction et au nationalisme noir, habillant ses musiciens comme des mages pharaoniens dont la musique serait le véhicule idéal pour élever corps et âmes vers les sphères célestes éloignées, moralement et géographiquement, de la Terre.

Vivre la mystique du mage

Pionnier de l’afro-futurisme dont il est désormais considéré comme l’un des précurseurs (ses concerts n’ayant rien à envier à ceux de Parliament Funkadelic sur le plan du délire), Sun Ra fut également l’un des premiers à s’intéresser aux synthétiseurs et aux claviers électriques et à la gamme de sonorités inouïes qu’il pouvait en tirer. Depuis la disparition de son fondateur, l’Arkestra continue de faire vivre la mystique du mage, dans un mélange joyeusement foutraque de swing et de free, de performance et d’hymnes œcuméniques, sous la houlette du saxophoniste Marshall Allen, fidèle compagnon de route de Sun Ra pendant plusieurs décennies, désormais quasi centenaire !

Vincent Bessières