La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Splendid’s

Splendid’s - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Colline

Théâtre de la Colline / de Jean Genet / mes Arthur Nauzyciel

Publié le 22 février 2016 - N° 241

Arthur Nauzyciel met en scène Splendid’s, de Jean Genet, avec un groupe d’acteurs américains et le comédien Xavier Gallais. Une échappée dans « un monde à l’envers du monde ».

Votre désir de mettre en scène Splendid’s est né alors que vous travailliez sur Julius Caesar, de Shakespeare. Quel lien faites-vous entre ces deux pièces ?

 Arthur Nauzyciel : En fait, il y en a plusieurs. D’une part, il y a eu la volonté de continuer à travailler avec le groupe d’acteurs américains qui interprétaient Jules César – acteurs qui m’avaient déjà accompagné sur deux, trois ou même quatre spectacles, pour certains. Il me semblait important de continuer à creuser, avec eux (qui composent, finalement, une sorte de petite compagnie), mon vocabulaire de théâtre. J’étais donc en train de réfléchir à un projet à leur proposer lorsque des moments de Jules César m’ont mis sur le chemin de Splendid’s

Lesquels ?

A. N. : Par exemple, l’acte II, l’acte des Sénateurs, avec ce groupe d’hommes qui avait l’air, dans ma mise en scène, de glisser, de flotter sur une immense moquette : cette atmosphère-là m’a ramené à la pièce de Genet. J’ai alors réalisé que Splendid’s, comme Jules César, donnait à voir un monde à l’envers du monde.

Vous avez donc opéré une sorte de basculement depuis un monde de sénateurs jusqu’à un monde de gangsters…

A.N. : C’est ça, Splendid’s est l’histoire d’un groupe de gangsters américains qui fait une prise d’otages dans un hôtel de luxe. Jean Genet a écrit cette rêverie alors qu’il était en prison, hanté par le souvenir de ses amants morts, par la présence des prisonniers dans les cellules d’à-côté… En utilisant une figure de style qui lui est chère, celle de l’inversion et de l’embellissement, il transforme ce monde carcéral en un monde de gangsters hollywoodien. Toute sa vie, il va ainsi chercher – par les mots, le langage, la poésie – à magnifier le monde qui l’entoure afin de le rendre supportable.

« Splendid’s, c’est une cérémonie durant laquelle on essaie d’être celui que l’on n’a jamais pu être. »

Pourquoi avez-vous choisi de confier le personnage du Policier à un comédien français ?

A. N. : Car ce qui est très beau, dans Splendid’s, c’est la façon dont Jean Genet se projette dans cet univers fantasmé. Je me suis donc dit qu’il y avait une association trop évidente entre lui et Le Policier – personnage qui vient de l’extérieur et veut s’identifier aux gangsters – pour ne pas proposer ce rôle à un acteur français.

Qu’avez-vous envie de faire surgir de cette œuvre pleine de trouble ?

A. N. : Cette pièce est traversée par des thématiques passionnantes : les rapports entre la société, le crime, la sexualité, l’intime… Splendid’sest la pièce de Genet qui contient, de la manière la plus ouverte, la plus assumée, ce que l’auteur appelait sa sainte trinité : la trahison, la lâcheté et l’homosexualité. Il s’agit d’une œuvre sur la mutation, sur la transformation, qui fait se succéder une suite de transgressions. L’un des personnages dit : « Je glisse vers des parages à l’envers». C’est ça Splendid’s. Ce sont des hommes qui glissent vers des parages à l’envers. C’est une cérémonie durant laquelle on convoque les morts et on essaie d’être celui que l’on n’a jamais pu être.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Splendid’s
du jeudi 17 mars 2016 au samedi 26 mars 2016
Théâtre de la Colline
15 Rue Malte Brun, 75020 Paris, France

du mercredi au samedi à 20h30, mardi à 19h30 et dimanche à 15h30. Tél : 01 44 62 52 52.

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