Défendons le Tarmac !
Nous avons découvert brutalement, mercredi [...]
Les compagnies Les Nuits claires et Agnello s’associent pour un remarquable spectacle qui revisite le conte d’Andersen et rappelle à petits et grands que l’amour est la chose essentielle à donner aux enfants.
Aurélie Namur s’inspire du conte cruel et noir d’Andersen. Elle en conserve la trame, tout en l’habillant d’une diaprure éblouissante de trouvailles narratives et d’effets scéniques. Une jeune orpheline est confiée à une atroce marâtre qui veut la modeler et en faire le miroir de son narcissisme égoïste et frivole. En Pygmalion pédagogue, « Madame ma mère », que la petite fille ne parvient pas à appeler « Maman », oblige l’adoptée à tout faire pour oublier son milieu d’origine, à grands renforts de cours de danse classique et de becquées de caviar et de foie gras. Claire Engel est la mère ; Aurélie Namur est la petite. La fillette n’a rien conservé de sa mère adorée sinon le souvenir de ses gestes doux et enveloppants et une paire de babouches rouges que la marâtre jette au feu, tant elles puent, obligeant la petite à aller acheter des bottines blanches qui ne dépareront pas dans l’univers immaculé et frigide de la maison du malheur. Mais le Malin, que Julien Testard interprète avec une plaisante faconde, prend les traits du vendeur de chaussures et offre à l’enfant une paire de souliers magiques, qui vont mettre la maison et les sentiments sens dessus dessous.
La confiance comme seul viatique
Le programme est annoncé d’emblée, et le maître de cérémonie, le Diable toujours, plaisamment nommé Tristan Dersen, annonce au public enfantin, d’évidence ravi à l’idée d’avoir peur, que la pièce va être épouvantable : les pieds prisonniers des souliers seront coupés et tout finira dans un bain de sang répugnant ! Mais la modernité, n’en déplaise aux contes d’antan, préfère les fins heureuses : on a donc un peu moins peur de savoir que rien ne se réalisera comme le méchant Monsieur Loyal se délecte à l’annoncer. La réécriture du texte est fine et spirituelle ; les comédiennes sont absolument excellentes dans leurs rôles, mais le meilleur du spectacle tient sans doute dans sa double adresse aux parents et aux enfants. A notre époque où fleurissent les familles recomposées, les enfants trimballés entre deux foyers et deux vies et autres accommodements avec les conventions habituelles, il est aussi difficile d’être parents des enfants qu’on n’a pas faits qu’enfants des parents de seconde main. Le secret pour que tout ce petit monde vive en bonne harmonie ne tient qu’à une évidence vieille comme les contes. Ce spectacle la rappelle avec un charmant sens de l’à-propos anthropologique : il suffit de s’aimer pour s’entendre et remporter tous les combats contre l’adversité. Avis aux parents de tout poil : accueillez les enfants que le hasard vous offre sans vouloir les faire rentrer dans le carcan de vos a priori éducatifs, et avis aux enfants qui auraient à composer avec les marâtres : il faut aider les grands à faire leur métier de parents !
Catherine Robert
Lundi et mardi à 19h30 ; dimanche à 16h30. Séances scolaires du 12 au 14 février. Lundi et mardi à 14h30 ; mercredi à 10h30. Tél. : 01 55 48 91 00. A partir de 7 ans. Durée : 1h10. Le 4 février à 16h au Centre Culturel L’Imprévu, 23, rue du Général Leclerc, 95310 Saint-Ouen L’Aumône. Tél. : 01 34 21 25 70. Le 9 février à 19h30 au Théâtre André-Malraux, place Jean-Paul Sartre, 102, avenue du Général de Gaulle, 94550 Chevilly-Larue. Tél. : 01 41 80 69 60. Spectacle vu au TGP – CDN de Saint-Denis.