La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Sœur, je ne sais pas quoi frère

Sœur, je ne sais pas quoi frère - Critique sortie Théâtre Créteil Maison des Arts de Créteil
Cinq sœurs nouées par un secret de famille. Crédit photo : Patrice Leïva

De Philippe Dorin / Mise en scène de Sylviane Fortuny

Publié le 17 avril 2015 - N° 232

La metteuse en scène Sylviane Fortuny donne vie à l’écriture espiègle de Philippe Dorin et compose un conte drôle et poignant sur un secret de famille.

Il est généralement planqué sous un fouillis d’oublis, solidement ligoté par les rets d’un silence complice. Parfois, quelques anecdotes insouciantes papillonnent autour de lui, d’imprudentes allusions taquinent son sommeil… Le secret de famille reste pourtant soudé envers tous et résiste vaillamment pour garder son mystère en toute discrétion. L’auteur Philippe Dorin, la plume alerte et l’imaginaire grand ouvert, vient malgré tout le débusquer jusque derrière les lointains recoins : dans une maison vide, quelque part en Russie. Il y a là cinq sœurs de neuf à soixante-quinze ans, nouées les unes aux autres dans l’attente d’un prince charmant ou d’un père absent, qui débinent allègrement le passé. Tour à tour, chacune fouille le double fond de leur vie et reconstitue à sa manière, c’est-à-dire par menus morceaux, un événement marquant. Inventé ou réel, qu’importe, tant elles s’amusent, se chamaillent, se donnent la tragédie et jouent follement à se raconter. Elles rêvent de mariage, se font peur, rebattent aux cartes, boivent de la vodka… De temps à autre, elles se balancent aussi de petites ritournelles et lâchent les fariboles que l’éducation leur a inculquées pour les façonner en bonnes filles. L’auteur lui tire les fils de ces histoires à tiroirs et tresse selon sa fantaisie un entrelacs de fausses pistes et d’indices qui peu à peu, pour tout dire mine de rien, trame un conte sur l’épreuve de grandir et la mémoire d’enfance remuant au cœur du présent.

Liberté d’imagination

Sacré défi que de donner vie sur scène à cette écriture espiègle qui sautille d’une saynète à une autre, colle les intrigues en enfilade et se donne la liberté d’inventer tous les possibles. Sans compter qu’elle répond du tac au tac, raboute des expressions copiées sur les grands et des tournures chapardées chez les gamins, parfois même claque la porte au nez du bon sens. D’ailleurs, souvent ici la logique désarçonne la raison. Sylviane Fortuny, cofondatrice avec Philippe Dorin de la compagnie Pour ainsi dire en 1997, est tout à son aise avec le texte de son complice. Elle plante le décor dans un salon aux accents russes, qui, en quelques accessoires, se transforme en toute pièce ou bascule dans l’onirisme. Les comédiennes – Mireille Franchino, Carole Got, Catherine Pavet, Sophie Verbeeck et, en alternance, Juliette Lecourt, Rose Lizot ou Charlotte Sourisse -, tiennent ces jeux de rôle avec juste distance pour en délivrer la cocasse drôlerie et le drame souterrain. Elles réactivent ces éclats d’histoires qui finissent par s’agencer par associations et rebonds d’imagination. Jusqu’à ce qu’elles trouvent la petite clé pour libérer le secret et s’échapper vers leur avenir.

Gwénola David

A propos de l'événement

Sœur, je ne sais pas quoi frère
du vendredi 22 mai 2015 au vendredi 22 mai 2015
Maison des Arts de Créteil
Place Salvador Allende, 94000 Créteil, France

à 20h. Tél. : 01 45 13 19 19. Spectacle vu au Théâtre Paris-Villette. Le texte est publié aux éditions L’École des loisirs. Durée : 1h.

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