Shakespeare de Fracas et de Furie
David Fauvel porte violemment à la scène Desdémone et Ophélie, des spectacles pour figures féminines shakespeariennes négligées. Installation rock’n’roll, fumigènes et eau vivifiante. Décapant.
La mort n’est jamais loin, un paravent macabre de catacombes
Les images de ce songe campent les figures de Desdémone et d’Ophélie qui tentent de crier leur colère et leur rancœur. Elles vivent dans un monde à dominante masculine virile. Desdémone voit encore en son époux Othello, et en son ami Cassio, une possibilité d’échapper à l’insatisfaction pour goûter à l’existence à travers les pouvoirs de la passion. Cassio joue double jeu, amoureux de la reine et travestie féminine. La mort n’est jamais loin, un paravent de catacombes incrusté de crânes blancs sculptés dans le marbre tel le tombeau d’un souverain d’une époque passée, celle des pestiférés de la lagune. Ophélie ne suit dans sa passion que Hamlet, femme également travestie, dans les soubresauts d’un tumulte dévastateur et expiatoire, entre une sono déchaînée, une bassine d’eau purificatrice où l’on plonge la tête, et les borborygmes bestiaux des mâles. La reine et la mère, Gertrude, porte un masque tandis que Claudius, l’oncle fratricide, se déshabille, déguisé en femme dans sa baignoire. « Celui qui a tué mon père a fait de ma mère sa putain » : corset et bas jarretelles, rien de tel pour lasser le fils royal qui renvoie Ophélie au couvent et à la mort, craignant qu’elle ne fasse partie de « toutes ces femmes qui se laissent saillir par les hommes ». Un cauchemar de messe noire à l’onirisme inventif. Une esthétique trash aux couleurs de deuil.
Véronique Hotte
Shakespeare de Fracas et de Furie, Desdémone et Ophélie, d’après Othello et d’après Hamlet de Shakespeare, traduction de François Victor Hugo, adaptation et mise en scène de David Fauvel, jusqu’au 6 février 2009 à la Comédie de Caen, Théâtre des Cordes à Caen : 02 31 46 27 27. Du 17 au 20 février à La Chapelle Saint-Louis à Rouen. Le 24 mars à la Scène Nationale 61 à Flers, le 26 mars à la Scène Nationale 61 à Alençon, le 5 mai au Préau-CDR de Vire. Spectacle vu au Théâtre des Cordes à Caen