La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Serge Maggiani / Nous n’irons pas ce soir au paradis

Serge Maggiani / Nous n’irons pas ce soir au paradis - Critique sortie Théâtre Paris. Théâtre des Abbesses

Reprise / Théâtre des Abbesses / de Dante Alighieri / commentaires et interprétation Serge Maggiani / collaboration artistique Valérie Dréville

Publié le 21 février 2014 - N° 218

Seul sur scène, Serge Maggiani revient à l’œuvre de Dante et nous accompagne dans ces hautes sphères poétiques… Au-delà du monde.  

Seul sur scène, Serge Maggiani revient à l’œuvre de Dante et nous accompagne dans ces hautes sphères poétiques… Au-delà du monde.  

« A la demande de Valérie Dréville, j’ai participé à une lecture « divine » de la « Commedia » dans la cour d’honneur en 2008. Un goût m’est resté, de cette langue, de ce vent qui soufflait fort, de ce long et passionnant travail en amont. Alors j’ai rêvé d’emporter avec moi, de voler le poème et le vent de la cour, de dire des chants de Dante en racontant, en expliquant aussi. Peut-être ce spectacle est-il une didascalie de la vie du poète. J’ai demandé à Valérie Dréville de m’accompagner dans ce projet, de me guider, comme Virgile accompagne le poète dans sa traversée des royaumes des morts. Un metteur en scène est toujours Virgile et un acteur toujours un fantôme qui revient et raconte. Je commence par le premier chant, le plus difficile, il contient certaines clés de l’œuvre. Cela m’a donné l’idée du titre : Nous n’irons pas ce soir au Paradis. Parce que c’est loin, trop loin. Mais nous y faisons quelques incursions (on pourrait dire quelques excursions.) Mais c’est pour mieux retourner en enfer.

Une langue de résistance

Ce spectacle est un moment. C’est un peu comme si un acteur, faisant partie d’un groupe, se détache, vient s’assoir au devant de la scène, les pieds dans le vide et raconte au public des histoires et des poèmes. C’est toujours sa part d’enfance qu’un acteur joue sur la scène. Ma part d’enfance est l’Italie et sa langue. Et Dante est la langue de l’Italie. Et être italien, c’est croire que Dante a vraiment été en Enfer. Etre Italien, c’est être ou avoir été un petit enfant qui joue par terre dans la cuisine, quand un adulte se penche sur lui, grand, très grand, grand comme la tour de Pise et lui dit, sans que l’enfant n’ait rien demandé, que le plus grand des poètes était italien et qu’il est revenu du voyage d’où l’on ne revient pas, qu’il a traversé la mort. Alors une peur panique saisit l’enfant, mais après il se rendra compte qu’il aura, sa vie durant, et à cause de cela, peut-être un peu moins peur, pas de la mort mais de la vie. J’ai dit « sa vie durant ». Il s’appelait Durant, d’ailleurs, Dante. Durante. Dante. Sa langue est une langue de résistance, d’exil. On m’a raconté d’un détenu, dans un camp, qu’il survivait jour après jour en scandant des chants de Dante. La vie du poète a été un long chemin malheureux. Peut-être n’a-t-il survécu que grâce à la langue, aux mots, aux vers. Son œuvre est une cathédrale, parfaite, savante. Il y a du Proust aussi chez Dante, ou le contraire. Comme Proust, Dante est un poète sans imagination. Son imagination, c’est sa mémoire. C’est ce qui fait son génie. »

Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Nous n’irons pas ce soir au paradis
du mercredi 26 mars 2014 au vendredi 11 avril 2014
Théâtre des Abbesses
31 Rue des Abbesses, 75018 Paris, France

Du 26 au 28 mars, du 2 au 4 avril et du 9 au 11 avril à 18h. Tél : 01 42 74 22 77.

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