La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2018 - Entretien / Phia Ménard

Saison Sèche

Saison Sèche - Critique sortie Avignon / 2018 Vedène
La metteure en scène Phia Ménard. Crédit : Jean-Luc Beaujault

Entretien / Phia Ménard
L’Autre Scène du Grand Avignon - Vedène / de Phia Ménard

Publié le 22 juin 2018 - N° 267

C’est l’une des artistes les plus aventureuses de la scène française. Phia Ménard crée sa nouvelle « pièce de l’eau et de la vapeur » à Vedène. Une charge contre les normes et les oppressions du modèle patriarcal.

Quels liens faites-vous entre Belle d’hier et Saison Sèche, deux créations qui s’élèvent contre le patriarcat ?

Phia Ménard : Lorsque j’ai créé Belle d’hier (ndlr, en 2015), pièce dans laquelle j’ai demandé à cinq femmes de faire la dernière lessive de l’humanité, je me suis dit que, finalement, ce serait assez anecdotique de s’attaquer au sujet du patriarcat à travers une seule pièce. Très vite, je me suis donc mise à réfléchir à une nouvelle création qui puisse continuer d’interroger ce sujet par le biais du groupe. Car contrairement à mes solos, qui parlent énormément de l’intime, les pièces comme Belle d’hier ou Saison Sèche posent la question politique du corps collectif.

Au sein de quel univers évoluent les interprètes de Saison Sèche ?

P. M. : Dans Saison Scène, je demande à sept femmes de détruire la maison du patriarche. Elles sont enfermées dans un espace entièrement blanc que je définis comme l’espace patriarcal : un espace de contrôle au sein duquel la virginité féminine est représentée par la couleur blanche. Le contrôle de cette virginité est évidemment un sujet absolu.

« Mon féminisme est un féminisme de combat, mais aussi un féminisme de transmission qui souhaite offrir à l’autre la possibilité de comprendre. »

Cet espace a pour autre caractéristique d’être mouvant…

P. M. : Oui, son plafond, qui est mobile, redéfinit en permanence le volume de l’espace. Cette mobilité induit deux idées : celle du plafond de verre, mais aussi celle de l’étouffement, puisque le plafond peut descendre jusqu’au sol. La question qui se pose alors est de savoir qui contrôle ce mécanisme d’oppression et pour quelles raisons. Or il faut préciser que Saison Sèche est une pièce chorégraphique, une pièce avec des gestes. Parmi ces gestes, certains sont tolérés, d’autres non. Ce sont ces derniers qui déclenchent l’abaissement du plafond, provoquant la compression des corps… Mais peu à peu, ces femmes se réapproprient leur corps. Elles le transforment, notamment par la peinture, se saisissent des codes masculins. Et plus elles se saisissent de ces codes, plus le trouble est grand. L’édifice se met alors à perdre pied : il suinte, vibre, ses murs qui étaient infranchissables se ramollissent. Il commence à s’effondrer…

De création en création, quel sillon artistique avez-vous l’impression de creuser ?

P. M. : Un sillon qui, en se gardant toujours de toute forme de didactisme, met en jeu des symboles, des perspectives visuelles, sensuelles et corporelles, des émotions et des réflexions que le plateau permet de partager avec les spectateurs.

Tout en prenant part au combat féministe…

P. M. : Oui, et c’est pour moi d’autant plus important que mon regard est celui d’une personne qui a changé de situation, qui a été éduquée comme un garçon et qui est aujourd’hui une femme. D’une certaine façon, ma position est presque celle d’une traductrice. Etant passée de la société de l’homme à celle de la femme, je peux traduire certains codes acquis soit par l’apprentissage de la masculinité, soit par l’apprentissage de la féminité. Mon féminisme est donc bien sûr un féminisme de combat, qui s’invite au sein même de mes créations, mais aussi un féminisme de transmission qui souhaite offrir à l’autre la possibilité de comprendre.

 

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Saison Sèche
du mardi 17 juillet 2018 au mardi 24 juillet 2018


à 18h. Relâche le 19 juillet. Tél : 04 90 14 14 14. Durée : 1h30.

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