Hommage à Nelson Freire avec Martha Argerich et Nelson Goerner
Martha Argerich et Nelson Goerner rendent [...]
Peter Sellars met en scène l’actualité de ce texte médiéval, violent réquisitoire contre la corruption du monde, en s’appuyant sur l’interprétation des chanteuses de l’ensemble Sequentia et le travail vidéo de Sean Casey, Alex McInnis et Pierre Martin Oriol.
Le Roman de Fauvel est un révélateur du monde. Le manuscrit enluminé, vieux de sept siècles, sur lequel se sont appuyés Benjamin Bagby et Peter Sellars, a beau être une merveille de mélange des arts (poésie, musique, peinture), rehaussé encore par des éclats d’or et d’argent, il n’en est pas moins un brûlot dont on comprend aisément qu’il n’ait pas été signé par ses auteurs. Corruption, fausseté, exploitation éhontée des hommes — des femmes plus encore — et du monde : voici le règne de Fauvel, homme et bête mêlés, qui en épousant Fortune croit avoir assuré son pouvoir. Ce Fauvel, assurément, est d’ici et de maintenant. Pour dire son actualité, Peter Sellars retrouve Alice Goodman, autrice, il y a maintenant longtemps déjà, des livrets des opéras de John Adams, Nixon in China (1987) et The Death of Klinghoffer (1991). La relecture du Roman de Fauvel prend alors deux directions complémentaires. Au texte d’Alice Goodman, qui vient s’insérer entre les lais et motets médiévaux, revient la charge de désigner ce qui des maux de Fauvel s’est installé, instillé dans notre époque. La langue, poétique et crue, imagée ou cinglante (« Des porcs indéfinissables, pollués, toxiques, des tigres avares, courant derrière le profit »), même dans sa traduction française énoncée en voix off par l’actrice Pauline Cheviller, est proche de l’esprit du manuscrit (« Qu’ils sont vils les honneurs de ce monde, épais comme un crachat ! »). En fond de scène, un unique écran sur lequel brûlent inlassablement des incendies géants, dévorant les forêts, dévorant le monde.
La musique comme contre-feu
Dès lors, les chants sont chants de révolte, d’accusation, de résistance. Quel contraste entre le monde sans issue que clament les images et l’espoir, toujours vivant sous les braises, que donne à entendre la beauté des airs, alternant monodies et polyphonies. Sept femmes occupent l’espace scénique, tantôt ombres, tantôt figures. Ce sont les chanteuses de l’ensemble Sequentia, qui révèlent ici l’extrême précision du travail accompli en répétitions avec leur directeur musical Benjamin Bagby, qui peut les observer avec fierté depuis la salle — même si l’on peut regretter que la sonorisation des voix, plutôt discrète et réussie dans l’ensemble, étouffe un peu certaines tenues. La musique, se répondant d’une voix à l’autre, s’anime d’elle-même. Le Lai des Hellequines, longue controverse sur l’amour, qui ne cache rien du désir d’émancipation ou de la souffrance qu’induit la domination masculine, atteint ainsi des sommets dramatiques par la seule force du chant, distribué entre les chanteuses. Là réside sans doute l’essentiel du message : la musique, la beauté comme contre-feu à la marche effrénée, fauvélienne du monde.
Jean-Guillaume Lebrun
Les 18, 22, 23, 25 et 26 mars à 20h, dimanche 20 mars à 15h.
Durée : 1h40
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