Macbeth
Evénement majeur : la nouvelle création du [...]
Une mise en scène fluide et limpide de Richard III, avec Dominique Pinon dans le rôle-titre.
Après Le Roi Lear en 2007, Laurent Fréchuret poursuit son aventure shakespearienne et met en scène Richard III dans une nouvelle traduction de Dorothée Zumstein, fluide, moderne, nerveuse, audible par tous. La mise en scène orchestre parfaitement la funeste ascension de Richard et sa chute, sous le regard de l’assemblée des spectateurs, et elle s’inscrit aussi au cœur du théâtre comme art et artisanat d’exposition, art millénaire en constante invention, puissamment révélateur. C’est en adresse au public que la pièce se joue – une adresse affichée. Le plateau est au début parsemé de roses blanches et rouges, symboles des branches rivales York et Lancastre, mais ce qui se trame va bien au-delà de l’historique rivalité. Jusqu’aux luttes fratricides, jusqu’aux meurtres de tous ceux qui gênent ou pourraient gêner, selon une tactique mafieuse, jusqu’à la désolation totale pouvant enfin – peut-être – laisser place à autre chose. Shakespeare réinvente et dramatise le personnage de Richard, et la mise en scène parvient à donner corps à ce fascinant personnage et à ceux qui l’entourent avec maîtrise et limpidité, en une succession de tableaux qui occupent remarquablement l’espace. Piquée d’ironie – notamment dans le rapport de l’homme à la religion -, la mise en scène conjugue habilement diverses tonalités : épure abstraite et solennelle, bouffonnerie grotesque quasi fellinienne, grand-guignol effarant et burlesque. Ce monument de théâtre peut marier les extrêmes !
Figure intranquille et terrifiante
Les dix comédiens qui interprètent une trentaine de personnages sont excellents : Nine de Montal Reine majestueuse, Pauline Huruguen bouleversante Lady Anne – c’est sa détresse qui permet à la scène de “séduction“ d’advenir et de ne pas paraître incongrue -, Martine Schambacher Reine Margaret virevoltante prophétesse laissant éclater ses imprécations, Thierry Gibault impeccable Duc de Buckingham, Jean-Claude Bolle-Reddat Hastings naïf et comique, Jessica Martin petit garnement d’York parfois inquiétant… Et Dominique Pinon en Richard. Marginalisé et décalé, claudicant et difforme, toujours en mouvement, Richard est une figure de quête du pouvoir en lieu et place de tout le reste, de quelque amour que ce soit, y compris celui de sa mère. Dès le début, il est « déterminé à être méchant », et c’est en fin stratège et beau parleur qu’il commandite le carnage. Dominique Pinon incarne remarquablement l’infâme sans hystérie ni démesure, de manière quasi uniforme du début à la fin : cet être « né avec des dents » demeure à jamais le même, d’une absolue insensibilité, c’est avant tout une figure intranquille, une terrifiante figure de solitude habile à manipuler et à jouer afin de satisfaire sa quête de pouvoir qui seule lui permet d’exister, une quête mortifère. Un monstre humain dans un monde en déliquescence… La mise en scène très aboutie conjugue admirablement tous les effets du théâtre pour exposer aux yeux de tous la tragédie.
Agnès Santi
Théâtre de Privas le 3 avril. Tél : 04 75 64 93 39. Théâtre de Villefranche-sur-Saône les 8 et 9 avril. Tél : 04 74 68 02 89. Théâtre du Vellein à Villefontaine. Tél : 04 74 80 71 85. Théâtre de la Renaissance à Oullins du 22 au 24 avril. Tél : 04 72 39 74 91. Spectacle vu au Théâtre de Sartrouville. Durée : 3h30 avec entracte.