RAPHAËL PICHON
OPERA ROYAL DU CHATEAU DE VERSAILLES / RAMEAU / NOUVELLE PRODUCTION
Publié le 24 janvier 2013 - N° 206LE TEMPS DE RAMEAU
Le jeune chef Raphaël Pichon refait parler la poudre du premier opéra de Rameau, Hippolyte et Aricie, qui, en 1733, provoqua un immense choc musical. « Il y a dans cet opéra assez de musique pour en faire dix » déclara André Campra à sa découverte. Le jeune directeur musical de l’ensemble Pygmalion poursuit en toute logique, après leur Dardanus unanimement salué en 2012, l’exploration de l’œuvre lyrique de Rameau avec l’ultime version de ce chef-d’œuvre plusieurs fois remanié.
Révélé dans Bach, votre ensemble se distingue aujourd’hui beaucoup dans les ouvrages lyriques de Rameau…
Raphaël Pichon : Le nom même de Pygmalion fait écho à un petit opéra-ballet de Rameau. Je souhaitais depuis toujours aborder l’œuvre lyrique du compositeur français. Bach et ses contemporains germaniques sont depuis nos débuts le socle de notre répertoire. Dès maintenant, ces deux figures vont s’imposer durablement dans notre répertoire. Après les Missae Breves et la version primitive de la Messe en si de Bach, viendront une reconstitution inédite et passionnante de la cantate la plus longue de l’oeuvre de Bach parodiant la Passion selon Saint Matthieu, mais aussi une première Passion selon Saint Jean, une première Messe en si dans sa version totale, ou encore des programmes de cantates alliées à des œuvres inédites du fils Carl Philipp Emanuel Bach. Nous continuerons également notre cycle initié au festival de Beaune, autour des versions inédites des tragédies de Rameau avec Castor et Pollux puis Zoroastre, mais aussi les grands motets de Rameau associés à ceux de Telemann.
En quoi Hippolyte et Aricie est-il spécifique ?
R. P. : Hippolyte et Aricie est sans aucun doute l’un des joyaux de notre patrimoine français. Il représente le trait d’union entre le modèle rigoureux de la tragédie lyrique imposé par Lully et le « nouveau monde » vocal et orchestral que nous dévoile Rameau, tourné petit à petit vers le classicisme. Premier opéra d’un compositeur de cinquante ans, celui-ci est d’une richesse hors normes : un langage harmonique révolutionnaire pour son temps, des divertissements de grande qualité intégrés à la narration, de réels airs et plaintes d’anthologie, et une efficacité dramatique qu’il ne surpassera pas à mon sens dans ses autres futures tragédies. Comme nombre de ses contemporains, Rameau retravaille à chaque reprise nombre de ses oeuvres lyriques, nous laissant aujourd’hui de nombreuses versions. Après avoir donné l’an passé la version tardive de Dardanus, avec trois actes totalement inédits, nous aborderons ici pour la première fois la dernière version de 1757 d’Hippolyte et Aricie. Rameau a maintenant quinze années d’expérience du monde lyrique, et réorganise son œuvre comme pour aller à l’essentiel, occultant d’ailleurs le prologue désavoué à cette époque, et y intégrant quelques nouvelles pages magnifiques.
« Un langage harmonique révolutionnaire pour son temps. »
Comment votre expérience de chanteur influence-t-elle fortement votre approche de chef?
R. P. : Mon expérience comme soliste et choriste porte mon attention tout particulièrement sur l’aspect vocal du répertoire. Je privilégie dans mes choix l’oratorio, j’aime le travail avec les chanteurs, j’aime le travail choral… J’espère en tirer une aisance à saisir et anticiper les besoins et difficultés des chanteurs avec qui je travaille. Et je pense en conserver également un besoin profond de faire chanter les instrumentistes ! Pour autant, je crois que de temps en temps ce bagage est aussi quelque peu dangereux, car je me surprends parfois à priver de liberté certains chanteurs !
Où en est le projet de l’ensemble de collaborer avec des compositeurs contemporains ? Pourquoi ce choix singulier ?
R. P. : La « révolution baroque » et plus largement l’émancipation des orchestres spécialisés ont aujourd’hui très largement installé les instruments d’époque dans notre paysage musical européen. Ceux-ci ont aujourd’hui une place à part entière, aux côtés des instruments et timbres dits « modernes ». Ils peuvent et se doivent même d’intéresser les compositeurs d’aujourd’hui pour leurs qualités et leurs propriétés propres. Cette démarche existe depuis de nombreuses années à l’étranger, notamment en Allemagne, mais seulement de façon isolée et le plus souvent ponctuelle en France. Je souhaite que nous puissions avec Pygmalion développer un travail de fond dans ce sens dans les années qui viennent. Mais il est très difficile de trouver les partenaires pour diffuser ce type de projets, c’est pourquoi nous n’avons pu développer à ce jour « que » deux projets, l’un avec une très belle création de Vincent Manac’h, et l’autre en reprenant des œuvres de Philippe Hersant. Mais je suis heureux car nous allons travailler sur plusieurs nouveaux projets dès 2014 avec le soutien de la fondation Royaumont.
Propos recueillis par Jean Lukas.
A propos de l'événement
RAPHAËL PICHONdu mercredi 13 février 2013 au mercredi 13 février 2013
Opéra Royal du Château de Versailles
Place d’Armes, 78000 Versailles
Avec les voix de Samuel Boden, Gaëlle Arquez, Maria Riccarda Wesseling, Edwin Crossley-Mercer, Jérôme Varnier, Anna Reinhold, Eugénie Warnier, Sabine Devieilhe, Francisco Fernandez Rueda. Mercredi 13 février à 20h. Tél. 01 30 83 78 89. Places : 30 à 110 €