La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Qui a tué mon père d’Edouard Louis, mis en scène par Stanislas Nordey

Qui a tué mon père d’Edouard Louis, mis en scène par Stanislas Nordey - Critique sortie Théâtre Paris la colline
Stanislas Nordey (photo de répétition) © Jean-Louis Fernandez

La Colline / texte Edouard Louis / mes Stanislas Nordey

Publié le 15 mars 2019 - N° 274

Stanislas Nordey interprète avec intensité le monologue d’Edouard Louis sans réussir à masquer les faiblesses du texte.

En 2014, Edouard Louis faisait une entrée remarquée dans le monde des lettres en publiant En finir avec Eddy Bellegueule. Quatre ans et une Histoire de la violence plus tard, il livrait un nouveau texte, une commande pour Stanislas Nordey qui le porte aujourd’hui à la scène et l’interprète : Qui a tué mon père. Comme dans son premier opus, Edouard Louis revient sur l’homophobie et la violence sociale, avec une tendresse nouvelle à l’égard de son père, celui-là même qui l’avait maltraité en raison de son homosexualité. S’interrogeant sur la source de cette violence, il convoque Ruth Gilmore, Didier Eribon ou Jean-Paul Sartre et les mêle à des scènes familiales pour dresser un constat sans appel : ce qui nous définit n’est pas ce que l’on fait mais ce que l’on n’a pas pu faire. Et si son père, à seulement 50 ans, semble condamné à une mort physique et sociale prématurée, c’est qu’il est le produit de cette société violente, dont les décisions des politiques, nommément cités (Chirac, Sarkozy, Hollande, Xavier Bertrand, Myriam El-Khomri, Martin Hirsch…), ont des répercussions concrètes sur les classes populaires.

La violence du couple père-fils

C’est précisément le problème de cette écriture militante et sans filtre. Si elle est orale, elle n’est pas théâtrale. Accumulant les anecdotes familiales et les raccourcis (qui peut croire que les décisions politiques n’ont pas d’impact aussi sur la classe moyenne ? Et ce n’est pas dénier la réalité que de le dire), elle finit par tourner à vide, voire par irriter, comme dans l’épilogue où est scandé le nom de Hollande « pour qu’il soit entendu jusqu’en Inde et devienne aussi célèbre que celui de Richard III. » Mais Edouard Louis a-t-il l’étoffe d’un Shakespeare ? En dépit de ses faiblesses, le texte arrive à toucher. C’est d’abord grâce à la belle mise en scène de Stanislas Nordey. Sur un grand plateau vide, où des photos en noir et blanc, projetées sur les murs, montrent des alignements de maisons tristes, le fils s’adresse au père qui n’est qu’un mannequin. A chaque noir, on découvrira un autre mannequin – ils seront 5 à la fin. La violence se situe dans ce couple paradoxal où jamais le père ne regarde son fils ni ne lui répond. Il y a enfin l’acteur Stanislas Nordey qui habite avec intensité son personnage et n’est jamais aussi émouvant que quand il se met à chuchoter. Apparaissent alors les fragilités de ce père qui, sans doute, a essayé de faire de son mieux, jusqu’à acheter trop de cadeaux ou de victuailles à Noël pour ne pas paraître différent des autres.

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

Qui a tué mon père
du mardi 12 mars 2019 au mercredi 3 avril 2019
la colline
15 rue Malte-Brun, 75020 Paris

Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30. Tél. : 01 44 62 52 52. Durée : 1h40.

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