Agwa et Correria
Hip-hop, capoeira, samba, bossa nova... [...]
Qudus Onikeku, danseur acrobate nigérian, traverse les terres de la mémoire pour goûter à l’eau vive du présent.
La rumeur de la ville berce le silence. Un homme est là, immobile. La peau tressaille d’abord. Le frisson d’une ombre fend la nuit et s’enfuit au lointain. S’éveillent en lui les ombres du souvenir. Son corps s’ébranle et tremble, ploie sous la secousse. Ça cogne au-dedans, cogne contre lui-même, cogne jusqu’au tréfonds. C’est la mémoire qui remue dans les entrailles, court dans les muscles, plie les articulations et vrille le cœur. Elle danse ! « Se tracer un chemin à travers les nuées infinies, de souffles, de pensées, de réflexions, de sensations, d’actions. » Les mots maintenant coulent, résonnent dans la chair, tandis que monte la plainte d’un violoncelle, un chant profond d’au-delà ou les rythmes obstinés d’une guitare électrique. « A l’est ; à l’Ouest ; au Nord ; au Sud / Tâtonner ; trébucher / Et ne jamais avoir peur de tomber / Cultiver la conscience du flexible et puissant équilibre. » dit la voix. Et peu à peu, les gestes prisonniers en son for intérieur finissent par s’échapper, s’épuisent en courses folles, s’ébrouent par déflagrations.
Voyage initiatique
Dans Qaddish, dernier volet d’une trilogie « De la solitude, la tragédie et la mémoire », Qudus Onikeku voyage dans le temps aux côtés de son père, vieux de 80 ans. Il est retourné avec lui sur ses terres d’enfance, au Nigéria, pour s’imprégner de la tradition ancestrale yoruba, qui tresse ensemble les lignes du passé et la trame du présent. « Ma danse vient surtout de l’inconscient, de couches de mémoire qui recouvrent mon corps » dit le danseur acrobate, formé au Centre national des arts du cirque. Il en tire une gestuelle singulière, souple et nerveuse, qui se propage en élans brisés aussitôt qu’esquissés, retient l’énergie à fleur de peau et la libère par salves saturées de tous les sucs amers de l’existence. Cerné par un voile au pourtour de la scène, qui révèle par transparence les musiciens, le conteur et la chanteuse soprano, Qudus Onikeku réinvente le kaddish, prière pour les morts dans la religion juive, comme expérience des sens et rituel initiatique. Si la dramaturgie s’égare par moments et perd son chemin, Qudus Onikeku touche par la puissance émotionnelle de sa danse et l’intensité de sa présence dans cette quête de réconciliation.
Gwénola David
Hip-hop, capoeira, samba, bossa nova... [...]