Hildebrandt
Quelques mois après le Grand prix Charles [...]
Avignon / 2017 - Entretien / Anne-Laure Liégeois
A l’initiative d’Olivier Py, Anne-Laure Liégeois et Christiane Taubira organisent les rencontres méridiennes du jardin Ceccano, à l’ombre des frondaisons de la littérature et dans le vent vivifiant de la poésie.
« Des combats inspirés par une révolte positive et portés par le goût de la vie. »
Comment ce projet est-il né ?
Anne-Laure Liégeois : Ce projet du jardin Ceccano, où, gratuitement, à midi, tous les jours, se réunissent des citoyens, tient à cœur à Olivier Py. Il a rencontré Christiane Taubira à la Maison de la Poésie, lui a proposé ce projet, puis m’y a invitée. J’écoutais, je lisais Christiane Taubira, mais nous ne nous connaissions pas. Ce qui, paradoxalement, a été très motivant : il est passionnant d’entrer dans l’univers de quelqu’un, de saisir ce qui fonde sa parole, de comprendre son monde poétique, philosophique, et de construire avec cette matière.
Quels sont les auteurs choisis ?
A.-L. L. : Césaire, Morrison, Camus, Woolf, Damas, Darwich, Groult, Fanon, Angelou, Kant, Duras, Genet, de Gouges, Homère, Asli Erdogan, Nina Simone… Et bien sûr l’incroyable Hugo poète et politique, Jaurès, Rolland, Lamartine… Des textes dont la langue fait la force, moments de grand souffle de la pensée, incroyablement lyriques et donc théâtraux. Il s’agit de composer avec des textes quatorze moments sur l’humanité : la liste ne sera évidemment jamais exhaustive !
Comment avez-vous travaillé ?
A.-L. L. : Christiane Taubira écrit l’introduction de la séquence et la conclusion de chaque feuilleton, celle qui conduit au lendemain. Nous avons choisi la thématique des séquences : le travail, l’éducation, la guerre, la colonisation. Puis j’ai travaillé avec deux formidables assistantes, de véritables chercheuses d’or, Camille Kolski et Roxanne Isnard, et deux comédiens de ma compagnie, Olivier Dutilloy et Paul Pascot, qui me donnaient à entendre les textes. Avec eux, quinze élèves du Conservatoire et une soixantaine de comédiens amateurs d’Avignon. Ils ne sont pas tous en lecture chaque jour, ils sont entre quinze et vingt sous le platane ; mais ils sont tous de ce mouvement de création. À chaque fois, le voyage se termine par un poème, qui scelle ce panorama de nos combats, des combats inspirés par une révolte positive et portés par le goût de la vie.
Pensez-vous que le politique gagnerait à se nourrir de ces textes ?
A.-L. L. : En lisant, en écoutant ces textes, depuis Homère, on se dit que rien ne change sous le soleil, mais ils nous installent aussi dans le bonheur de la lutte. Ils résonnent avec force car ils sont ceux de la pensée et de la beauté, ils nous élèvent au-dessus du monde, nous le font regarder par au-dessus, et c’est depuis cette position qu’on le regarde le mieux ! Pour nos personnages politiques, s’emparer de ces textes ne doit pas tenir seulement de la citation. Christiane Taubira ne cite pas Césaire : elle a intégré ses mots dans sa lutte. Si tous étaient portés par cette même force du verbe, les discours prendraient de la hauteur et nous qui les écoutons, comprendrions le monde autrement, et participerions à le changer avec plus de conviction. Il ne s’agit pas de textes de beaux parleurs ! Ce qui est dit est très concret : la vision poétique du monde, compatible avec le politique, élève dans la beauté tout en défendant de vraies positions et propositions.
Propos recueillis par Catherine Robert
à midi. Tél. : 04 90 14 14 14.
Quelques mois après le Grand prix Charles [...]