Jean-Philippe Collard
Retour à Chopin pour un concert exceptionnel [...]
Intemporelles ou parfaites signatures de leur temps, certaines productions lyriques ont atteint le statut de classiques et semblent parées pour rester à l’affiche pendant plusieurs saisons encore. Nouveau directeur de l’Opéra de Paris, Stéphane Lissner ouvre sa saison avec trois reprises, trois spectacles parmi les plus aboutis des trois dernières décennies : Madame Butterfly de Puccini magnifié par Robert Wilson, Platée de Rameau par Laurent Pelly et Don Giovanni de Mozart sous le regard décapant de Michael Haneke.
Novembre 1993. L’Opéra Bastille a quatre ans. Son directeur musical, qui est encore Myung-Whun Chung, dirige une nouvelle production de Madame Butterfly de Puccini. La mise en scène de Robert Wilson est un choc : une merveille d’intelligence dramaturgique, une invitation poétique à la musique. Le metteur en scène américain pousse ici très loin le minimalisme, substituant aux décors des impressions de lieu et d’atmosphère. Par le jeu des lumières autant que par celui des acteurs, codifié et précis, il met en œuvre une lecture limpide de cette histoire d’amour trahi entre Orient et Occident et souligne la force des personnages créés par le compositeur. La puissance d’envoûtement de la mise en scène ne s’est depuis jamais démentie – comme celle du Pelléas et Mélisande de Debussy que Robert Wilson a signée quelques années plus tard – et a accompagné plusieurs générations de solistes. La distribution, dirigée par Daniele Rustioni, est cette fois plutôt jeune avec Oksana Dyka puis (à partir du 27 septembre) Ermonela Jaho dans le rôle-titre et Piero Pretti en Pinkerton.
La jeune génération au pouvoir
Distribution entièrement renouvelée également pour le Platée de Rameau, à l’affiche du Palais Garnier depuis le siècle dernier (au printemps 1999) dans une mise en scène tout à la fois drôle et profonde de Laurent Pelly, ce qui rend pleinement justice à la comédie-ballet dont le héros est une grenouille. L’énergie partagée du metteur en scène, de sa dramaturge Agathe Mélinand et de Marc Minkowski à la tête de ses Musiciens du Louvre-Grenoble a dès l’origine été la principale clé du succès de cette production. Une autre fut la distribution, qui contribua alors à installer Mireille Delunsch et Nora Gubisch dans le paysage lyrique. Aujourd’hui, une autre artiste en plein essor, la soprano Julie Fuchs, incarne la Folie, Philippe Talbot assurant le rôle-titre, toujours sous la direction de Marc Minkowski. Plus récente, la mise en scène du Don Giovanni de Mozart que Michael Haneke a signée en 2006 a été plusieurs fois reprise, au Palais Garnier d’abord, puis à l’Opéra Bastille. L’intérêt n’en est pas tant l’actualisation – ou plutôt la relocalisation dans un monde de béton et (surtout) de verre – que la magistrale caractérisation des personnages, qui échappent aux clichés romantiques et deviennent des individus très fin-de-siècle, êtres déboussolés en proie à leurs pulsions. Pour cette ultime reprise, confiée à la direction de Patrick Lange (et Marius Stieghorst à partir du 6 octobre), la distribution réunit Artur Rucinski (Don Giovanni) et Karine Deshayes (Donna Elvira). La jeune génération a bel et bien pris le pouvoir.
Jean-Guillaume Lebrun
Les 5, 8, 15, 17, 22, 24, 30 septembre, 3, 7, 10 et 13 octobre à 19h30, le 11 septembre à 20h30, le 27 septembre à 14h30. Tél. : 08 92 89 90 90.
Platée. Palais Garnier, Place de l'Opéra, 75009 Paris. Les 7, 11, 12, &4, 17, 23, 27, 29 septembre, 3, 6 et 8 octobre à 19h30, le 9 septembre à 20h30, le 20 septembre à 14h30. Tél. : 08 92 89 90 90.
Don Giovanni. Opéra Bastille, Place de la Bastille, 75012 Paris. Les 12, 14, 16, 19, 23, 26, 29 septembre, 2, 6 et 16 octobre à 19h30, les 11 et 18 octobre à 14h30. Tél. : 08 92 89 90 90.
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