Cycle Nadège Prugnard
Alcool, un petit coin de paradis, M.A.M.A.E., [...]
Marie-José Malis s’attaque au Dom Juan de Molière avec des parti-pris tranchés et audacieux sur la pièce et son personnage principal.
Pour vous, Dom Juan n’est pas un hypocrite, bien au contraire ?
Marie-José Malis : Absolument. Je pense que Dom Juan dit toujours la vérité dans cette pièce. Et quand il ment, il le signale aussitôt. Je pense qu’il porte en fait un discours subversif et littéral par lequel il nomme son désir. Pour cela, il doit s’opposer aux constructions, aux représentations de son siècle. Le personnage n’est pas un révolutionnaire mais pose un schéma prérévolutionnaire. Ce n’est pas un hasard si Dom Juan fascinait Rousseau. C’est comme si Molière avait poussé son siècle au bord du suivant. Cette pièce reste d’ailleurs scandaleuse aujourd’hui, du point de vue de sa conception de l’amour.
Comment expliquez-vous cette fidélité de Dom Juan à son désir ?
M-J.M. : Dom Juan aime chaque femme dans sa singularité. C’est pourquoi chacune lui retourne cet amour. Mais cette manière de suivre son désir fait exploser la construction sociale. Chacun de nous canalise son désir, l’arrête pour mieux se construire. Lui le fait courir en continu et ne se laisse impressionner par aucun code. Pour moi, à la manière d’un Rimbaud ou d’un Van Gogh, c’est un adorateur de la Terre, un artiste qui pense que chaque chose est aimable. Il préfère l’amour de la réalité aux idéologies qui nous rassurent. Ce qui demande un véritable courage.
« Dom Juan est une vraie pièce expérimentale qui parcourt tous les genres du théâtre. »
C’est ce qui vous a conduite à monter cette pièce ?
M-J.M. : Je marche sur deux jambes : des pièces de répertoire et ce qu’on appelle un théâtre de plateau. L’envie de monter Dom Juan m’est venue en pensant à mes acteurs, avec qui nous formons une vraie troupe, et auxquels cette pièce offre des personnages qui rendent justice à leur beauté. Et puis, comme le notait Jouvet, cette pièce reste énigmatique tant qu’on ne la traite pas au plateau. Elle recèle un mystère et une violence que seule la scène peut révéler. C’est une vraie pièce expérimentale qui parcourt tous les genres du théâtre. Comédie, farce, tragédie, tantôt en prise directe avec le public, tantôt avec un artiste qui se pose en surplomb, et le tout avec des ruptures hallucinantes.
Comment cela se traduira-t-il au plateau ?
M-J.M. : Nous aurons un plateau nu pour commencer. Et comme c’est une pièce à machines, on verra les perches descendre des cintres, orientées de profil. Des toiles peintes circuleront autour de Dom Juan comme le monde tourne autour de lui et une passerelle vers le public permettra de faire jouer les différents états de la parole. Nous aurons également des costumes prêtés par l’Opéra. Avec Dom Juan, cette question du costume se pose toujours. Et on le joue car il s’agit de rendre aussi un discret hommage à la féérie théâtrale. Le tout sera, je l’espère, à la fois doux, enfantin et mélancolique.
Propos recueillis par Eric Demey
du mardi au vendredi à 19h30, le samedi à 18h, le dimanche à 16h. Tel : 01 48 33 16 16.
Alcool, un petit coin de paradis, M.A.M.A.E., [...]