Le jour de la Fabrication des yeux
Sylviane Fortuny et ses complices donnent vie [...]
La compagnie In Cauda crée Plus que le tumulte des eaux profondes à La Ferme de Bel Ebat. Entre transe et illusion, une fresque jouée, chantée, dansée, qui revisite l’engloutissement de la cité mythique d’Ys.
Après la présentation, la saison dernière, de Quatrevingt-treize de Victor Hugo et des Onze mille verges de Guillaume Apollinaire* à la Maison de la poésie, Godefroy Ségal met en scène l’un de ses propres textes à La Ferme de Bel Ebat (la compagnie In Cauda est en résidence territoriale à Magny-les-Hameaux, en partenariat avec La Ferme de Bel Ebat et avec le soutien de la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines). Un texte qui s’intéresse à une période obscure de l’histoire : celle relative à la christianisation massive des peuples européens, à partir du IVème siècle après Jésus-Christ. C’est également à cette période que l’on situe le mythe de la cité d’Ys, ville bretonne qui aurait été engloutie par l’océan. « C’est la vie du roi Gradlon et de sa fille Ahès, que nous allons raconter, explique l’auteur et metteur en scène, c’est la fin du paganisme, les débuts du christianisme, la construction et la destruction d’Ys la magnifique, la mise à l’écart volontaire de l’homme du reste de la nature, cette coupure profonde, ce transit, ce voyage, cette transe. » Interprété par huit comédiens et un chœur amateur formé, en amont du spectacle, dans le cadre d’ateliers, Plus que le tumulte des eaux profondes retrace l’insoumission d’une princesse païenne qui décide de se retrancher au sein d’une ville immense – « le dernier phare des temps anciens » – pour échapper à l’emprise religieuse de Rome.
La légende d’une Atlantide bretonne
« Nous voulons faire de cette pièce un rituel de vie, expliquent les membres de la compagnie In Cauda. Cette omniprésence de danses, de musique martelée et répétitive, de verbe haletant et ivre, rejoindra de vieilles incantations dont la forme nous semble démultiplier le fond comme aucune machine (cinématographique ou autres) ne sait le faire. (…) En racontant les débuts du christianisme en Occident, nous abordons de front le problème de l’homme et de sa mise en perspective. » Naviguant « entre le reflet et l’image », « entre ce qui est profond et superficiel », ce spectacle se fonde « sur la transe et l’illusion », met en jeu un « combat entre les sens et l’esprit ». « Plus que le tumulte des eaux profondes, c’est cela, fait remarquer Godefroy Ségal, ce sont des corps qui se laissent aller au flux du ressac, c’est une langue qui pense, qui bâtit, ordonne et tisse un empire immense. »
Manuel Piolat Soleymat
* La Terrasse n° 198, mai 2012
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