Ore et Ouz
TQI / textes de Gabriel Calderón / mes d’Adel Hakim et de Gabriel Calderón
Publié le 1 septembre 2014 - N° 223Adel Hakim crée en France Mi Munequita (Ma petite Poupée) de Gabriel Calderon, et reprend Or et Ouz, programmés en 2013 : un dyptique tonitruant, tonique, insolent et provocateur !
Adel Hakim, directeur du TQI, a découvert les premières pièces de Gabriel Calderón en 2006, lors d’un séjour à Montevideo. Fasciné par l’écriture dense, dynamique et transgressive du dramaturge uruguayen, il a fait traduire plusieurs de ses pièces et l’invite à nouveau au TQI. Anticonformiste et iconoclaste, d’une drôlerie qui va de la blague potache au sarcasme audacieux, ce théâtre sud-américain fait souffler une tempête insolente sur la scène parisienne en dynamitant les digues du politiquement correct. Tout le monde en prend pour son grade : les curés obscènes et leurs ouailles hystériques, les paranoïaques de tout poil (adeptes de la théorie du complot ou des missions de sauvetage), les machos (ceux qui cassent du pédé et ceux qui méprisent les femelles), les attentistes abouliques qui laissent les gueulards commander, les lâches, les imbéciles, les invertis indécis et les journalistes sensationnalistes. Evidemment, scandale il y a ! Non seulement parce que Calderón met en scène une jeune autiste sodomisant sa poupée avec la croix pectorale du prêtre qui rêve de coucher avec son frère, mais surtout parce que son texte constitue un scandale au sens étymologique du terme, autrement dit un achoppement particulièrement casse-gueule.
Le théâtre scabreux du grand Autre
Le caractère scabreux de ce théâtre tient au rythme qu’il impose aux comédiens. Les répliques se télescopent, les scènes se succèdent hors continuité, en particulier dans Ore, qui présente des hiatus temporels et spatiaux que la scénographie d’Yves Collet permet d’aménager très habilement. La parabole métaphysique remplace le drame psychologique : il faut une énergie considérable et un art aguerri de l’incarnation pour réussir à ne pas laisser s’emballer la machine. Adel Hakim y parvient très bien avec Ore, qui commence comme un drame bourgeois, se transforme en délire de science-fiction, et se termine en méditation sur les affres de l’identité. Les trois comédiens qui campent les parents (Eddie Chignara, Philippe Cherdel et Louise Lemoine Torrès) sont particulièrement remarquables. La mise en scène de Ouz est moins originale : de son propre aveu, Calderón est essentiellement dramaturge. Mais les comédiens interprètent avec une vitalité et une drôlerie éblouissantes cette satire anticléricale aux allures d’hystérie collective (qui n’est pas, comme le remarque Adel Hakim, sans rappeler Copi). Les personnages de Calderón sont des possédés : par le remords, la haine, la passion amoureuse, celle de la viande ou celle des éphèbes… Ils sont habités : par les extraterrestres, l’âme du voisin, Dieu ou toute autre variation de la figure du grand Autre. Et au miroir de cette aliénation, il n’est pas totalement exclu que chacun se reconnaisse…
Catherine Robert
A propos de l'événement
Ore et Ouzdu lundi 29 septembre 2014 au dimanche 19 octobre 2014
Studio Casanova
69 Avenue Danielle Casanova, 94200 Ivry-sur-Seine, France
Ore, du 30 septembre au 18 octobre, Ouz du 29 septembre au 19 octobre, et création française de Mi Munequita, mes Adel Hakim, du 29 septembre au 15 octobre. Tél : 01 43 90 11 11.