La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

ON ACHEVE BIEN LES ANGES

ON ACHEVE BIEN LES ANGES - Critique sortie Théâtre Aubervilliers Fort d’Aubervilliers

Reprise / Théâtre Equestre Zingaro / conception, mes et scénographie Bartabas

Publié le 30 août 2016 - N° 246

ON ACHÈVE BIEN LES ANGES

Si le cheval file à chaque fois la métaphore symbolique, nourri d’un imaginaire collectif qui ouvre à des mondes poétiques, Bartabas a quelque peu déplacé le curseur pour cette création : le cavalier est ici celui par lequel la dramaturgie se déroule et l’univers visuel se déploie. Ailés et descendus du ciel au cœur d’une prairie où les chevaux s’ébattent, ces cavaliers blancs aux yeux bandés prennent peu à peu possession de ce monde, qui a tout l’air d’un purgatoire tant les personnages qui le peuplent ne sont que demi-teintes et révèlent tantôt leur grandeur, tantôt leur part d’ombre. Bartabas lui-même chevauche et ose avec majesté la déchéance d’un homme titubant, ou la posture d’un homme déjà mort, la corde au cou et les ailes brûlées. Il danse les élégies d’un paradis perdu, bercé par la voix éraillée de Tom Waits dont les ballades ponctuent le spectacle. Autres personnages dont l’ambigüité interroge : une cohorte de clowns musiciens, suivie de près par un garçon-boucher dont les confiseries, comme ces oreilles de cochonnet en gaufrettes, attisent le dégoût ou le sourire. Mais ils sont aussi les clowns de baraques de foire prompts à faire danser les chevaux, bercés par un solo de Yuka Okazaki, ou à faire planer les spectateurs, envoûtés par la scie musicale.

Une pièce où se côtoient l’humour et la mort

Que ce soit dans la brume d’un cimetière, errant entre les tombes, ou à travers une mousse profonde et aérienne, les chevaux peuplent ces espaces et ces atmosphères autant douces qu’anxiogènes, toujours sur le fil entre énergie et délicatesse. Bartabas a réussi la synthèse entre univers visuel, poétique et musical, dans une rencontre avec l’animal qu’il tente de réinventer à chaque fois. Ici, l’homme est censé être un ange, qu’il porte aux nues ou qu’il déchoit selon les circonstances. Ce désir de mêler l’art équestre au théâtre et à la musique reste toutefois contrarié par la construction du spectacle, en une succession de tableaux attendus alternant les scènes de groupes, les solos du concepteur, et les retours des clowns qui ne sont plus que des intermèdes musicaux ou contrepoints burlesques à l’étrangeté de la présence des chevaux et des anges. Ceux-ci ferment la parenthèse en rejoignant leur paradis perdu, et nous laissent dans le souvenir d’un insolite voyage où l’humour et la mort ont côtoyé des êtres vivants pas tout à fait humains, ni tout à fait animaux.

Nathalie Yokel

A propos de l'événement

ON ACHEVE BIEN LES ANGES
du vendredi 30 septembre 2016 au samedi 31 décembre 2016
Fort d’Aubervilliers
176 Avenue Jean Jaurès, 93300 Aubervilliers, France

du mardi au samedi à 20h30, relâche jeudi, dimanche à 17h30. Tél : 01 48 39 54 17. Durée : 2h

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