En compagnie de Schubert, « Quatre mains » ressuscite les émois de l’adolescence
À la manière d'un jeu de pistes autour d'un [...]
L’autrice québécoise Sarah Berthiaume s’attaque avec un humour grinçant à la façon dont le néolibéralisme s’empare des corps. Sur scène, la Cie Ces Messieurs Sérieux construit un dispositif propice à cette descente, sorte de cauchemar éveillé, dans les tréfonds de notre rapport au travail.
« Est-ce que vous définiriez votre travail comme un espace de liberté ? », voilà une des questions que pose la pièce. Spoiler, c’est non. On peut se sentir impliqué dans son travail, en être satisfait, même avoir hâte de s’y rendre, mais il demeure une immense machine coercitive. Ne sont-ils pas d’ailleurs des cibles faciles, les travailleurs passionnés ? Clin d’œil aux professionnels du spectacle vivant : « Le festival n’est pas une excuse pour se faire exploiter. » disait une affiche CGT croisée dans les rues d’Avignon. Maude, la protagoniste de Nyotaimori, est pigiste et payée en « visibilité » pour un dossier bidon sur les entreprises d’avenir. Son reportage concerne particulièrement l’Empowerbra®, un soutien-gorge dont les microfibres aideraient à « reprendre le contrôle sur son corps ! » Bien sûr, cette mission fait voler en éclats les barrières entre sa vie pro et privée, et finit par impacter son couple. La semaine de road trip au Texas façon Thelma et Louise est ruinée, alors sa copine décide d’en finir seule, au fond d’un canyon comme dans le film. En parallèle, on suit le supplice de Barry. Américain moyen, il participe à un concours pour gagner une Toyota Yaris flambant neuve. Le principe est simple, il suffit de garder sa bouche collée à la voiture (Barry choisit l’aileron gauche) plus longtemps que les autres. À soixante-six heures, il arrête de compter, belle performance !
L’Association des Aliénés Anonymes
À ce moment-là, la pièce bascule dans le surnaturel, ou plutôt une forme de réalisme magique. C’est ainsi qu’entrent dans la danse l’ouvrier japonais qui fabrique des Toyota Yaris et l’ouvrière indienne qui confectionne les Empowerbra® dans des conditions effroyables. Téléportés via des portes dérobées ou le coffre de la voiture, tous les acteurs de la chaîne de production se font face, provoquant un capharnaüm d’incompréhension. Si le propos sur l’aliénation au travail était déjà clair et nuancé dans la première partie, ce détour fantastique donne une seconde vie à l’œuvre et son message. Tout ce désordre, minutieusement préparé dès le début du récit grâce à un découpage de l’espace scénique par la lumière et le décor, ne nous perd pas. Ainsi, le sarcasme et la satire sociale de la pièce se voient soutenus par des tableaux aux symboles forts. Le plus emblématique donne son nom à la pièce. Le « Nyotaimori » (littéralement « présentation sur le corps d’une femme ») est le fait de manger des sushis sur des femmes nues, une pratique onéreuse réservée aux yakuzas et aux politiciens. Car plus que les sushis, c’est le goût du pouvoir qui comble les papilles.
Enzo Janin-Lopez
à 11h, relâche les 8, 15 et 22 juillet.
Durée : 1h30
Tél : 04 32 74 18 54
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