La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Nina

Nina - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : DR Légende photo : Anne-Laure Connesson et Tristan Petitgirard dans Nina.

Publié le 10 décembre 2011 - N° 193

Nassima Benchicou met en scène Nina, de José Ramón Fernández : un spectacle qui permet de découvrir ce jeune dramaturge espagnol et offre de beaux rôles à trois interprètes sensibles.

Pluie diluvienne et froid au dehors ; chaleur du brandy et bougonnerie bonhomme d’Etienne, le patron de l’hôtel où échoue Nina, au dedans : tout, dans la pièce de José Ramón Fernández, joue des contrastes entre extérieur et intérieur, apparence et vérité, passé et présent. La nuit que passe Nina en compagnie de Blaise, qu’Etienne a appelé au secours, permet la réconciliation entre ces contraires. En retrouvant la jeune fille qu’elle a été, en admettant que ses ambitions se sont fracassées, en cessant de se mentir à elle-même, Nina peut repartir de l’avant et quitter à tout jamais le pays de son enfance, qui n’est autre que celui de ses fantasmes et de ses espoirs déçus. Réincarnation contemporaine de l’héroïne de La Mouette, de Tchekhov, la Nina de José Ramón Fernández a été séduite par un Trigorine de province, qui a joué de ses sentiments et s’est amusé à faire périr ses rêves. Sa vie est à l’instar des séries B, dans lesquelles son talent végète, et l’ancienne reine de la plage doit se contenter du rôle de la bonne dans les mauvaises pièces où elle cachetonne. Blaise n’a pas mieux réussi : sa femme le délaisse pour un autre, et lui aussi s’accroche en vain aux souvenirs d’une adolescence évanouie, dont le temps a terni l’éclat.
 
Mouette ou phénix ?
 
Sur la petite scène du Théâtre des Déchargeurs, est reconstitué le bar de l’hôtel d’Etienne. Michel Papineschi offre à ce personnage une belle et profonde humanité, faite de tendresse mêlée de brusquerie. Etienne voudrait bien que les plaies se referment et que les anciens enfants se décident enfin à vivre en adultes courageux et responsables : le comédien joue habilement de sa force tranquille pour incarner avec une émouvante vérité ce pêcheur à la ligne accoucheur des âmes ! Anne-Laure Connesson et Tristan Petitgirard sont Nina et Blaise : la première interprète avec délicatesse cette mouette déboussolée, qui peine à quitter le costume de sa gloire de pacotille et le carcan de son ressentiment ; le second campe efficacement l’ancien cador devenu chien battu, auquel le sauvetage de Nina redonne des ailes. Les trois comédiens réussissent très heureusement à faire naître l’ambiance mélancolique de cette confession en bord de mer, grâce à laquelle la mouette se fait phénix, renaissant de ses cendres, prête à repartir après avoir brûlé ses vaisseaux…
 
Catherine Robert


Nina, de José Ramón Fernández, traduction d’Angeles Muñoz ; mise en scène de Nassima Benchicou. Du 1er novembre au 23 décembre 2011. Du mardi au samedi à 21h45. Théâtre des Déchargeurs, 3, rue des Déchargeurs, 75001 Paris. Tél : 08 92 70 12 28. Durée : 1h30.

A propos de l'événement


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