La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Nicolas Liautard

Nicolas Liautard - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : DR

Publié le 10 janvier 2011 - N° 184

Molière : un disciple d’Epicure

Nicolas Liautard poursuit son exploration du théâtre de Molière en créant Le Misanthrope. Une comédie en cinq actes et en vers que le metteur en scène a souhaité épurer de toute dimension romantique.

Deux ans après L’Avare, vous mettez en scène Le Misanthrope. Est-ce, pour vous, une façon d’établir un lien entre ces deux pièces de Molière et une façon de faire se répondre vos deux spectacles ?
Nicolas Liautard : L’Avare et Le Misanthrope sont deux comédies. Et si l’une se tourne vers la farce, l’autre au contraire porte son regard du côté de la tragédie classique. Dans chacune d’elles on retrouve la profession de foi de Molière : castigat ridendo mores – la volonté de corriger les mœurs du temps par le rire. Dans Harpagon comme dans Alceste, il y a la démesure. Celle-là même contre laquelle les Grecs nous mettent en garde, celle qui pousse l’homme aux frontières de son humanité. Toutefois, si dans L’Avare Molière prend pour sujet un vice apparent (et même un péché capital au regard de l’Eglise), son génie se porte, dans Le Misanthrope, sur une vertu : la sincérité. Mettant en regard L’Avare et Le Misanthrope, il apparaît que Molière ne pose pas tant la question du vice contre la vertu mais bien plutôt celle de la démesure contre la mesure. On reconnaît alors, en lui, un disciple d’Epicure.
 
Quels sont les aspects du théâtre de Molière qui vous intéressent tout particulièrement ?
N. L. : La philosophie justement, la circulation des pensées grecques et latines à travers le vecteur de la comédie. Mais, aussi, le courage politique, le vrai, celui qui expose et met en danger.
 
« J’ai voulu « dessouder » Alceste, révéler sa nature égotique, éviter absolument d’en faire un héros romantique. »
 
Par quel biais abordez-vous Le Misanthrope ?
N. L. : J’ai voulu « dessouder » Alceste, révéler sa nature égotique, éviter absolument d’en faire un héros romantique (contresens assez commun), même – et surtout – s’il peut nous arriver de lui prêter, parfois, une oreille indulgente. Ce n’est pas Molière qui hurle avec lui : « société dégueulasse tu ne me vaux pas ». Molière est lui-même trop habile à la cour pour adopter cette position. Alceste n’est pas Don Juan, et Molière, qui interprétait Alceste, jouait également Sganarelle. Les sentiments des spectateurs doivent sans cesse évoluer à l’égard d’Alceste, qui est tour à tour agaçant, ridicule, sublime, pitoyable, séduisant, sympathique, antipathique, tragique, émouvant…
 
Vers quels territoires de jeu et d’incarnation avez-vous dirigé vos interprètes ?
N. L. : Nous avons travaillé sur un rapport animal au territoire, sur l’étude des parades amoureuses ou des comportements agressifs chez les animaux, mais aussi sur ce qui a trait aux stratégies militaires. Dans un espace vide, en l’absence de tout accessoire, j’ai cherché à pousser les acteurs (ndlr, Eric Berger, Jean-Yves Broustail, Anne Cantineau, Sterenn Guirriec, Jürg Häring – en alternance avec Bruno Sollier -, Sava Lolov, Matila Malliarakis, Jean-Christophe Quenon, Marion Suzanne et Pierre-Benoist Varoclier) dans leurs derniers retranchements.
 
Vous avez décidé d’actualiser Le Misanthrope en habillant vos comédiens de costumes contemporains. Pourquoi ?
N. L. : Parce que,pour moi, le théâtre est par définition un art du présent. Molière parlait au présent. Notre sujet n’est pas l’homme du XVIIème siècle : notre sujet est l’homme.
 
A quel théâtre avez-vous le sentiment de travailler depuis le début de votre carrière, au début des années 1990 ?
N. L. : Je porte en moi des formes de théâtre très différentes, voire opposées. J’ai mis en scène des spectacles à partir de grands textes, mais aussi des spectacles sans texte. Tout au long de mon parcours, j’ai essayé d’inventer du théâtre là où il n’était pas, de le débusquer dans les romans, dans les nouvelles, dans les textes philosophiques… J’ai également, au-delà de la pensée raisonnante, cherché à explorer des langages faits de perceptions, de sensations.
 
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat


Le Misanthrope, de Molière ; mise en scène de Nicolas Liautard. Création les 11 et 12 janvier 2011 au Prisme à Elancourt (01 30 51 46 06). Reprise du 18 au 29 janvier 2011 au Théâtre Jean-Arp, 22, rue Paul Vaillant-Couturier, 92140 Clamart. Les mardis, mercredis, vendredis et samedis à 20h30, les jeudis à 19h30, les dimanches à 16h. Tél : 01 41 90 17 02.
 
En tournée le 5 février 2011 au Théâtre de Saint-Maur, le 10 février au Centre culturel des Portes de l’Essone, le 4 mars à l’Espace Jacques-Prévert d’Aulnay-sous-Bois, le 7 mars à La Scène Watteau, le 15 mars au Théâtre André-Malraux de Chevilly-Larue, les 19 et 20 mars au Théâtre Jean-Vilar de Suresnes, les 22 et 23 mars au Théâtre Alexandre-Dumas de Saint-Germain-en-Laye, les 25, 26 et 27 mars à L’Onde de Vélizy, le 29 mars au Théâtre des Sources de Fontenay-aux-Roses, le 31 mars à l’Espace culturel André-Malraux du Kremlin-Bicêtre, le 2 avril à l’Espace Marcel-Carné de Saint-Michel-sur-Orge, les 7 et 8 avril à La Piscine de Châtenay-Malabry, le 29 avril au Théâtre-Cinéma Paul-Eluard de Choisy-le-Roi, du 3 au 29 mai au Théâtre des Quartiers d’Ivry.

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