La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

My secret Garden

My secret Garden - Critique sortie Théâtre
Légende : Garden party entre Richter et Nordey Crédit photo : © Christophe Raynaud de Lage

Publié le 10 décembre 2010

De la crise politique et sociale à celle existentielle de l’artiste dans la quarantaine, Nordey et Richter ont franchi le pas dans un spectacle où la révolte se fait mélancolique et l’intime se mêle au monde.

On les avait quittés deux ans plus tôt sur la colère noire et contagieuse de Das System, tournée contre les Etats-Unis, la violence libérale, et relayée frontalement par les acteurs de Nordey. Avec My secret Garden, l’auteur allemand, insatiable pourfendeur des dérives occidentales, retrouve le metteur en scène français dans un genre a priori très surprenant. La pièce démarre en effet comme une confession intime. Nordey lui-même endosse le rôle de l’écrivain qui exprime sa difficulté à vivre dans une famille étriquée et une société où traînent encore les relents du passé nazi. Il le joue à sa façon : face public, parole découpée, soulignée par une gestuelle précise, et présence irradiante du comédien tout en intensité. Le récit s’attarde cependant sur des chemins déjà empruntés. La langue de Richter, quotidienne, incisive, poétique et efficace s’entend certes parfaitement mais avec l’arrivée de Laurent Sauvage et Anne Tismer le spectacle gagne en intérêt.

Partager des merguez et un verre de vin

Lui, grand, massif, les cheveux longs, le regard brillant et fragile, est un acteur fétiche de Nordey. Elle, est passée par la Schaubühne d’Ostermeier. Il joue comme Nordey le double de Richter, et donc aussi celui du metteur en scène (les deux artistes se présentent d’ailleurs comme des frères). Elle, le rôle d’une comédienne prête à tout pour décrocher un rôle, puis celui d’une conférencière sur la colère, puis une révolutionnaire du sexe. Drôle, sensuelle, inquiétante et tenue, elle apporte avec éclat un contrepoint qui manquait. Poursuivant le chemin tracé à la lisière de l’intime et de la société – dont on ne sait plus très bien lequel déglingue l’autre – le trio prolonge avec humour et sincérité l’écho des angoisses et de la solitude de celui qui se présente comme Richter. Progressant sur le mode de la pièce en construction, qui cherche son titre et donc son genre, le spectacle pénètre en effet dans le quotidien de l’auteur tout autant qu’il paraît pencher vers l’autofiction : les nuits glauques à l’hôtel, l’orgueil démesuré de l’écrivain, son besoin d’être rassuré, son angoisse de ne pas durer. Un subtil équilibre se construit, fait de ruptures narratives, de ton, où la figure de l’artiste reflète le paysage du monde qui l’entoure et le conduit autant à créer qu’à désespérer. La tentation du repli sur soi s’impose alors. Une envie d’abandonner, de s’abandonner, de se retrouver entre amis, à partager des merguez et un verre de vin dans le jardin conclut la pièce. Le chant de révolte de Richter s’est mué en notes mélancoliques, et le théâtre en grand jardin secret, prolongement naturel de l’envie de partager.

Eric Demey


My secret garden de Falk Richter, mis en scène par Stanislas Nordey. Du 8 au 18 décembre, au Théâtre des Quartiers d’Ivry à 20h, 19H les jeudis. Tél : 01 43 90 11 11. Spectacle vu au Festival d’Avignon 2010.

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