La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Michel Abécassis

Michel Abécassis - Critique sortie Théâtre
Michel Abécassis

Publié le 10 septembre 2008

Portrait d’une battue battante

Michel Abécassis adapte et met en scène deux romans de l’écrivain irlandais Roddy Doyle qui fait le portrait de Paula Spencer, une femme battue qui se bat pour retrouver la lumière.

Comment le projet de cette adaptation de Roddy Doyle est-il né ?
Michel Abécassis : Cette mise en scène s’inscrit dans les projets européens « Tandem » qui reposent sur la collaboration entre artistes français et artistes des vingt-six autres pays de l’Union européenne. J’ai été sollicité par Dublin et j’ai rencontré Olwen Fouéré, la plus grande comédienne irlandaise. Après plusieurs rencontres à Paris et à Dublin, nous nous sommes mis d’accord pour cette aventure autour de l’œuvre de Roddy Doyle. J’avais lu il y a longtemps La Femme qui se cognait dans les portes. Pendant que ce projet se mettait en place, est sortie la suite de ce premier roman, Paula Spencer. Douze ans après, Roddy Doyle choisit la lumière après un premier roman très noir.
 
Quels sont les thèmes abordés par ces deux romans ?
M. A. : La Femme qui se cognait dans les portes aborde des sujets importants : les femmes battues, les ravages de l’alcool et le quart-monde composé de tous les laissés-pour-compte de la société. Dans le premier roman, on découvre cette femme battue par son mari : tous deux, ainsi que leurs enfants, boivent. Dans le deuxième roman, le mari a été flingué par les flics et Paula redécouvre la vie même si elle a toujours dans la peau celui qui la battait. Elle ne boit plus, ses enfants non plus ; elle rencontre un autre homme et s’aperçoit qu’à quarante-huit ans, elle peut encore être désirable. La seule chose qui la tient debout et lucide, c’est le souci de ses enfants.
 
 « C’est la musicalité qui donne le sens. »
 
Comment avez-vous travaillé l’adaptation scénique de cette œuvre ?
M. A. :Ce qui m’intéressait, c’était de tirer l’œuvre vers la lumière même s’il y a des passages très durs. Il y a beaucoup d’humour décalé dans ce texte caustique. Quand j’adapte un texte, je pense toujours à la dramaturgie et au plateau. En l’occurrence, je n’avais pas envie d’une comédienne qui gueule sa douleur. Je hais la psychologie et le naturalisme au théâtre et il s’agissait de trouver suffisamment de distance pour éviter le pathos. C’est pourquoi j’ai choisi le stand up et le micro pour faire sonner les mots et trouver leur vraie musicalité car c’est la musicalité qui donne le sens. Il s’agissait de travailler sur l’oralité dans la mesure où le personnage se réapproprie le je par la parole, par le récit. Il s’agit d’un exutoire certes, mais d’un exutoire très codifié. La mise en scène est écrite comme une partition musicale.
 
Que nous apprend Paula Spencer sur l’existence ?
M. A. :Même si elle crache son venin dans un texte aux limites du chant, Paula n’est pas un personnage larmoyant : elle est très rock’n’roll, complètement destroy. Elle est obligée d’en passer par les mots pour dire les choses et s’en sortir. Quand elle se fait cogner, tout le monde le sait et personne ne lui demande ce qui se passe, ni son entourage, ni les médecins. La seule chose qu’elle peut dire c’est qu’elle s’est cognée dans les portes : sa douleur est innommable jusqu’à ce qu’elle parvienne à cette catharsis qu’est la parole, souvent avec un humour incroyable comme si la seule véritable échappatoire à l’horreur, c’était de parvenir à rire de soi et du monde.
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Paula Spencer, la femme qui se cognait dans les portes, de Roddy Doyle ; adaptation et mise en scène de Michel Abécassis. Du 16 au 28 septembre 2008. Du mardi au samedi à 20h30 et le dimanche à 16h30. Théâtre de la Tempête, Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris. Réservations au 01 43 28 36 36. Du 12 au 15 novembre à 19h. Théâtre des Bouffes du Nord, 37bis, boulevard de la Chapelle, 75010 Paris. Réservations au 01 46 07 34 50.

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