La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2010 Entretien / Pascal Rogard

Mettre en place une réelle vie corporative du monde du spectacle vivant

Mettre en place une réelle vie corporative du monde du spectacle vivant - Critique sortie Avignon / 2010
Pascal Rogard

Publié le 10 juillet 2008

Directeur de la SACD – Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques – depuis 2004, société qui perçoit et répartit les droits de 45 000 auteurs du spectacle vivant et de l’audiovisuel (environ 180 millions d’euros de budget), Pascal Rogard explicite le rôle de la SACD et livre des pistes de réflexion sur le spectacle vivant en France.

Qu’est-ce que la SACD ?
Pascal Rogard : L’idée de la SACD, c’est de se regrouper pour renforcer les droits des auteurs, à travers une société de gestion collective. C’est à Beaumarchais que revient l’idée géniale de créer en 1777 un bureau des auteurs afin de négocier ensemble les tarifs avec ceux qui exploitent les œuvres, dans le but de lutter contre le monopole de la Comédie-Française qui dictait les tarifs pour les représentations des pièces. L’activité de la SACD couvre l’intégralité du spectacle vivant, qui représente 1/3 du chiffre d’affaires, tandis les 2/3 restant concernent le monde audiovisuel. Sur le plan de la gestion des droits du spectacle vivant, nous voulons simplifier pour abaisser les coûts. La gestion des autorisations dans le spectacle vivant peut se révéler très compliquée lorsque l’œuvre est un montage de textes de divers auteurs. Notre objectif est donc de faciliter la tâche des utilisateurs pour mieux rémunérer les auteurs.

Comment avez-vous perçu le monde du spectacle vivant en arrivant à la SACD ? 
P. R. : Je viens du monde de l’audiovisuel, où le Centre National de la Cinématographie constitue un outil de concertation nourrie par des échanges entre professionnels, et où diverses commissions dont l’avance sur recettes ou l’aide sélective à la distribution permettent une solidarité. Le système repose sur une association forte entre la profession et l’état. Or, ce qui m’a frappé dans le monde du spectacle vivant, c’est l’absence de dialogue structuré entre les partenaires. Le seul dialogue institutionnel dans le spectacle vivant se cantonne au cadre des relations employeurs/salariés, tel un débat syndical classique. Et si les créateurs sont novateurs, les organisations d’employeurs ou de salariés sont par contre souvent très conservatrices. Les gens passent rue de Valois pour réclamer une aide ou un poste, mais il n’existe pas de réelle vie corporative du spectacle vivant.

 

Si on veut définir une politique efficace, il faut savoir ce qui se passe. La SACD a ainsi effectué une étude sur la
production et la diffusion des oeuvres contemporaines

La deuxième chose qui m’a frappé, c’est l’absence totale de chiffres. Il est nécessaire de mettre en place un observatoire ou de regrouper des statistiques pour connaître 20 ou 25 chiffres clés sur la fréquentation la durée de vie des spectacles etc. Si on veut définir une politique efficace, il faut savoir ce qui se passe. La SACD a ainsi effectué une étude sur la production et la diffusion des œuvres contemporaines. Nous avons examiné le programme de 180 centres dramatiques, ce qui a montré une présence forte des auteurs contemporains. Nous ne rendons publique aucune donnée nominative, mais à partir du moment où les données sont agrégées, nous pouvons collaborer avec l’Etat.

Que faut-il améliorer selon vous dans le fonctionnement du spectacle vivant ?
P. R. : On investit énormément en France dans la production mais les créations sont très peu diffusées. La moyenne de diffusion par spectacle, c’est une douzaine de représentations en théâtre et environ quatre en danse. Fournir un travail intense de création pour si peu de représentations n’est pas satisfaisant. Il faut trouver des mécanismes publics pour favoriser la circulation des œuvres et faire en sorte que les pièces soient plus jouées, tout en imaginant des passerelles entre théâtre public et théâtre privé. D’où l’idée qui est aussi au cœur des entretiens de Valois de créer un compte de soutien qui pourrait être alimenté par une cotisation – bien entendu faible – à l’intérieur du système de billetterie du théâtre, et par une contribution extérieure à déterminer.

Quel rôle jouent les collectivités territoriales par rapport à l’Etat ?
P. R. : La politique du spectacle vivant repose financièrement d’abord sur les collectivités territoriales et après sur l’Etat. Or ces collectivités sont intéressées davantage par une diffusion locale que par la circulation des œuvres. L’Etat doit se soucier de cette circulation. En outre, l’Etat est le garant de l’indépendance artistique, car plus vous rapprochez la direction d’un théâtre des politiques locaux, plus la tentation interventionniste sur la programmation est forte.

Dans quelle mesure les budgets des structures ou des compagnies ont-ils été amputés ? 
P. R. : En 2009 les crédits budgétaires n’ont pas été gelés, le budget s’est maintenu, on ne peut donc pas parler de désengagement de l’Etat. Des coupes ont eu lieu l’an dernier. Les grosses structures se sont alors très bien défendues, elles ont réussi à maintenir à peu près leur budget, mais ce sont les compagnies indépendantes qui ont souffert. Cette année l’objectif affiché par Georges-François Hirsch, patron de la DDMTS (Direction de la danse, de la musique, du théâtre et des spectacles), est de rééquilibrer et de ne pas affaiblir les petites compagnies qui sont un noyau vivant de la création. Le ministère qui a été très maltraité sur le plan de la politique culturelle cette année, c’est celui des Affaires Etrangères. La politique culturelle extérieure a été complètement abandonnée. Des coupes très sombres ont été effectuées, et j’espère vraiment que le gouvernement va revenir sur cette réduction drastique des crédits culturels du ministère des Affaires Etrangères.

Que pensez-vous du Conseil pour la création artistique installé par le Président de la République en début d’année ? 
P. R. : Ce Conseil aurait pu être un lieu de rencontres et d’échanges d’idées entre artistes, un laboratoire d’idées nouvelles qui regrouperait non pas des gens représentant des institutions – aussi compétents soient-ils -, mais des créateurs. Ainsi je pense que la nomination de Marin Karmitz à la tête de ce Conseil est une erreur de casting, un grand créateur à la compétence reconnue aurait été une candidature plus adéquate. Dominique Hervieu est la seule femme et la seule artiste parmi les membres de ce conseil ! Ce qui serait inacceptable, c’est que les crédits du spectacle vivant, déjà insuffisants, soient utilisés pour financer les actions de ce Conseil dont je n’attends pas grand-chose.

Propos recueillis par Agnès Santi

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